Une séquence d’une minute cinquante-sept, filmée apparemment par un drone, montre des frappes aériennes ciblant plusieurs positions au sol. En arrière-plan, une voix masculine en kiswahili, l’une des langues les plus parlées dans l’Est de la RDC affirme qu’il s’agit d’une attaque menée par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les milices Wazalendo contre des positions du mouvement rebelle Alliance Fleuve Congo/M23 (AFC/M23), souvent accusé d’être soutenu par le Rwanda. Le commentateur félicite les troupes congolaises et vante la « nouvelle stratégie » militaire qui, selon lui, infligerait de lourdes pertes aux « rebelles rwandais ». Mais les vérifications menées par Congo Check racontent une tout autre histoire. Grâce à une recherche d’images et à une analyse des paysages visibles, notre équipe a pu confirmer que la vidéo ne montre pas une opération des FARDC. Elle provient en réalité de Birmanie, où la junte militaire a mené, le 1ᵉʳ octobre dernier, une série de frappes aériennes dans la région montagneuse de Kyaukme, dans l’État de Shan.
Abraham Luakabuanga, l’un des premiers à avoir publié cette vidéo sur Facebook connu pour relayer régulièrement de fausses informations a partagé le contenu, visionné plus de 15 100 fois en six heures seulement.
Plusieurs pages ( 1 , 2 , 3 ) ont ensuite repris la vidéo et l’ont diffusée à leur tour, notamment ici et ici.
Rapidement, la séquence a envahi les réseaux sociaux congolais, où de nombreux internautes, persuadés d’assister à une offensive réelle des FARDC, ont salué ce qu’ils pensaient être une victoire de leur armée.
Le désinformateur identifié
Pour démêler le vrai du faux, notre équipe a commencé par remonter la source initiale de la vidéo. Sur Facebook, le contenu partagé par les comptes mentionnés renvoyait à un identifiant TikTok, celui du compte @kanumbadrc2, suivi par plus de 141 000 abonnés.
Ce dernier avait publié la séquence pour la première fois le 24 octobre 2025. En quelques heures, elle totalisait déjà près de 2 000 vues, 139 likes et une vingtaine de commentaires.
Le véritable contexte de la vidéo
Une fois la source de désinformation identifiée, nous avons entrepris de vérifier son véritable contexte, d’autant que l’actualité récente en RDC évoquait des frappes de drones menées par les FARDC, notamment sur la mine de Twangiza, occupée par le mouvement AFC/M23.
Ces frappes avaient d’ailleurs été dénoncées publiquement par Corneille Nangaa, coordonnateur politique de l’AFC/M23, lors d’une conférence de presse à l’hôtel Serena de Goma.
Cependant, aucune vidéo officielle publiée par les FARDC ne montrait ces opérations aériennes présumées.
Nous avons donc capturé plusieurs images clés de la séquence virale afin de les soumettre à une recherche d’images inversées via Google et Yandex.
Les résultats nous ont conduits vers le compte Facebook de Khūn Røcbêrt Nâing, créé le 29 novembre 2024. Sur son profil, cet utilisateur se présente comme un militaire du MNDAA (Myanmar National Democratic Alliance Army), un groupe rebelle ethnique actif dans le nord de la Birmanie (Myanmar). Bien que le MNDAA et la Force de défense du peuple (PDF) soient deux entités distinctes, elles combattent souvent côte à côte contre le même ennemi : l’armée birmane (Tatmadaw).
La vidéo analysée avait été postée sur son compte le 3 octobre 2025, où elle totalise plus de 446 000 vues, 14 660 likes et près de 300 partages.
« Scènes impressionnantes lors de la reprise du camp. Ces gars-là sont coriaces, depuis les collines éloignées. Source originale : #crd #Naing », écrit-il en légende.

Cette légende énigmatique n’indiquait pas clairement le lieu ni le contexte exacts. Pour clarifier, nous avons tenté de contacter Khūn Røcbêrt Nâing afin qu’il nous fournisse le contexte complet de la vidéo, mais jusqu’à présent, il n’a pas encore répondu.
Nous avons donc confronté ces images aux rapports récents des médias internationaux. Le média birman Myanmar Now a documenté, au même moment, des frappes aériennes intensifiées dans le nord de l’État de Shan, notamment à Maik Huong, un village de la région de Kyaukme.
Ces bombardements s’inscrivent dans une stratégie militaire de la junte au pouvoir, qui cherche à déplacer les populations locales vers des zones sous son contrôle, en amont des élections prévues pour début 2026. Les mêmes faits ont été relayés par Associated Press, confirmant l’ampleur des frappes dans la région.
Le conflit civil birman, déclenché après le coup d’État de 2021, s’étend aujourd’hui sur plus de 60 % du territoire, selon TV5 Monde.
Les affrontements y opposent principalement l’armée (Tatmadaw) aux forces rebelles, parmi lesquelles le MNDAA et la PDF dans une guerre marquée par des frappes aériennes, des bombardements de drones et des tirs d’artillerie.
Tel qu’il est expliqué dans cette émission télé, PDF (People’s Defense Force) n’est pas la junte, mais la force de résistance armée qui lutte contre elle depuis 2021 pour le rétablissement de la démocratie.
En revanche, aucune image officielle ne prouve que les récentes frappes de drones sur le site minier de Twangiza Mining évoquées par plusieurs sources locales aient été documentées par les FARDC elles-mêmes.
D’autres sources fiables
Une chaîne YouTube a également partagé plusieurs combats qui se sont déroulés dans cette région de l’Asie. Bien qu’il n’y ait pas de description précise, la vidéo fait partie de plusieurs autres qui montrent les combats dans la région birmane.
Ce qu’il faut retenir
Cette vidéo, largement partagée sur les réseaux sociaux, présentée à tort comme une opération militaire des FARDC contre l’AFC/M23, elle montre en réalité des frappes aériennes menées par la junte birmane dans le nord de l’État de Shan. Comprendre l’origine et le contexte exact de ces images est crucial pour éviter les confusions et préserver l’information fiable, surtout dans un contexte sensible comme celui des conflits armés, qu’ils soient en RDC ou au Myanmar.


