L’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) est depuis des décennies le théâtre de violences chroniques, souvent alimentées par des enjeux de contrôle des ressources naturelles et des tensions ethniques, avec une forte implication des acteurs régionaux. La dynamique entre le gouvernement congolais et les groupes rebelles, notamment ceux issus de la communauté Tutsi congolaise, est un facteur clé de cette instabilité, comme l’illustrent les accords avec le CNDP et la résurgence du M23.

Des Accords RDC-CNDP à la naissance du M23
L’origine du Mouvement du 23 Mars (M23) se trouve dans les accords de paix signés entre le gouvernement de la RDC et le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un groupe armé majoritairement Tutsi dirigé par Laurent Nkunda puis Bosco Ntaganda.
En mars 2009, le gouvernement congolais et le CNDP signent un accord qui prévoit notamment l’intégration des combattants du CNDP dans l’armée régulière congolaise, les FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo), ainsi que la transformation du CNDP en parti politique. Cet accord visait à mettre fin à la rébellion du CNDP dans le Nord-Kivu.
Cependant, les anciens combattants du CNDP intégrés dans les FARDC dénoncent rapidement le non-respect des termes de l’accord par Kinshasa, notamment concernant le rang et le commandement qui leur étaient promis, ainsi que l’application de l’amnistie. En avril 2012, une mutinerie éclate parmi ces ex-rebelles. Ils se regroupent officiellement le 6 mai 2012 sous le nom de Mouvement du 23 mars (M23), tirant son nom de la date des accords de 2009 qu’ils estiment non appliqués. Le M23 reprend alors les combats dans l’Est.
Les Conclusions de Nairobi (2013) et la chute temporaire du M23
La rébellion du M23 de 2012-2013 a été particulièrement virulente, aboutissant à la prise temporaire de Goma en novembre 2012. Après d’intenses combats et sous la pression d’une Force d’Intervention Rapide de la MONUSCO (Mission de l’ONU en RDC), le M23 subit une défaite militaire majeure en novembre 2013 et annonce la fin de sa rébellion.
Le dialogue de paix entre Kinshasa et le M23, qui s’était tenu à Kampala (Ouganda), se conclut en décembre 2013 avec les Déclarations de Nairobi (parfois appelées Accords de Nairobi). Ces déclarations, distinctes mais complémentaires, signées séparément par le gouvernement de la RDC et le M23, couvraient onze points.
Les points clés des Déclarations de Nairobi incluaient:
- La fin de la rébellion du M23.
- L’octroi d’une amnistie pour les faits de guerre et d’insurrection (à l’exclusion des crimes de guerre et crimes contre l’humanité).
- La libération des prisonniers et la transformation du M23 en parti politique.
- Des dispositions pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration sociale (DDR) des ex-combattants.
Malgré la chute militaire et les déclarations de 2013, la mise en œuvre de ces engagements est restée largement bloquée les années suivantes, les deux parties se rejetant la faute. Le processus de DDR n’a jamais été pleinement réalisé, laissant un ressentiment et des combattants non réintégrés, créant les conditions de la reprise du conflit.
La Reprise de la Guerre (2021) et les Prises de Goma et Bukavu (2025)
À partir de fin 2021, le M23, tirant prétexte du non-respect des accords et se disant protecteur de la communauté Tutsi, reprend les hostilités dans le Nord-Kivu. Cette nouvelle phase du conflit est caractérisée par une montée en puissance spectaculaire, largement attribuée, selon les rapports de l’ONU, à un soutien direct du Rwanda. Le conflit s’intensifie en 2022 et 2023, provoquant d’énormes déplacements de population.
L’offensive du M23 se poursuit sans relâche, et malgré les efforts diplomatiques régionaux (processus de Luanda et Nairobi), l’armée congolaise (FARDC) et les groupes armés locaux (Wazalendo) peinent à contenir l’avancée rebelle.
Le scénario redouté se concrétise en janvier 2025 lorsque le M23 lance une offensive majeure et réussit à prendre le contrôle de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. Cette victoire stratégique donne au M23 un contrôle quasi-total de la province. Poursuivant son élan, la rébellion étend ses opérations au Sud-Kivu, et en février 2025, elle s’empare de Bukavu, la capitale provinciale. La chute de ces deux métropoles marque un tournant majeur et dévastateur dans le conflit, plaçant une grande partie de l’Est de la RDC sous le joug du M23 et de ses alliés, avec des conséquences humanitaires catastrophiques.
Vous pouvez en apprendre davantage sur cette crise dans l’Est de la RDC en regardant cette vidéo: RD Congo : 2021-2025, le retour du M 23. Cette vidéo aborde la reprise du conflit par le M23 de 2021 à 2025, y compris la prise des grandes villes.


