Une rumeur publiée et partagée largement sur les médias sociaux depuis le 21 avril dernier annonce que la France et les États-Unis ont décidé d’installer leurs bases militaires au Rwanda. La même rumeur poursuit en expliquant que Paul Kagame, le président du Rwanda, est l’auteur de cette demande suite à la menace émise par la République démocratique du Congo d’attaquer à Kigali, la capitale rwandaise. Congo Check a vérifié auprès des autorités américaines, françaises et rwandaises et toutes ont démenti cette rumeur. Les photos d’illustration de l’infox datent également de 2016 et n’ont rien à voir avec le Rwanda.
« Team Fatshi ou rien » est l’une des pages qui ont partagé cette rumeur disant que « les États-Unis et la France ont décidé d’installer leurs bases militaires au Rwanda. Paul Kagame est allé demander au secours à ses sponsors occidentaux, car le Rwanda tremble. La RDC menace de bombarder le territoire rwandais ».
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D’autres médias sociaux parlent plutôt de l’OTAN et ses États membres qui ont opté pour le Rwanda comme pays de déménagement après être refoulé du Niger. Le but avancé demeure le même : attaquer les provinces de l’est de la RDC.
Pour crédibiliser cette infox, des images sorties de leurs contextes sont publiées. Des drones et des avions militaires qui atterrissent dans un aéroport apparaissent sur la photo. La rumeur précise qu’il s’agit de l’aéroport de Bugesera au Rwanda, où la base militaire sera installée.
« Radio-trottoir de Kinshasa », dit Kigali
Pour vérifier cette nouvelle, Congo Check est entré en contact avec les autorités Rwandaises. Vincent Karega, diplomate rwandais, dément formellement cette nouvelle et allègue que son pays a des moyens souverains et est capable de se défendre seul sans l’appui d’une quelconque aide extérieure.
« Le Rwanda n’a pas de coopération militaire quelconque dans le sens d’héberger des bases militaires étrangères. Pour notre sécurité et intégrité territoriale nous sommes suffisamment organisés et outillés et nous n’avons besoin de personne dans cette tâche régalienne de souveraineté et de dignité nationale. Ces rumeurs n’ont pas de sources ni de rationnelles crédibles », explique-t-il à Congo Check, en ajoutant qu’il s’agit d’un « radio trottoir de Kinshasa ».
Les États-Unis nient cette nouvelle
Ensuite, est venu le démenti de l’ambassade américaine en République démocratique du Congo , la source affirme que « cette nouvelle n’est pas avérée d’autant plus qu’elle n’a pas été annoncée par aucun officiel américain et n’apparaît pas non sur les différentes plateformes en ligne du gouvernement américain ».
L’aéroport de Busegera n’est pas encore achevé
Dans le but de diversifier ses sources, Congo Check a voulu savoir si au moins les drones ou du matériel militaire a atterri à l’aéroport de Bugesera. Bien que l’aéroport ne nous a pas encore fait suite, Congo Check a eu au téléphone Aimable Twahirwa, journaliste rwandais, qui rejette formellement cette nouvelle en précisant qu’ « elle est fausse parce que l’aéroport de Busegera n’est pas encore opérationnel ».
Il sied de mentionner que les travaux de réhabilitation de l’aéroport de Busegera ont débuté depuis 2016 et prendront fin en 2026.
Une photo sortie de son contexte
La photo utilisée pour affirmer que les matériels militaires américains et français ont atterri à Kigali sont en réalité de la base militaire américaine d’Agadaz. Cette photo est apparue dans cet article de BBC intitulé : « États-Unis : une base militaire au Niger ».
Et, à l’aide de l’outil d’images inversées de TinEye, l’équipe de Congo Check a trouvé que la photo a été postée pour la première fois le 21 avril 2016 par l’agence Reuters. Bien que la page soit actuellement introuvable.
La position des États-Unis face à la tension rwando-congolaise
À propos du soutien du Rwanda à la rebellion du M23 en République démocratique du Congo, le Département d’États américains avait publié le 17 février dernier un communiqué accusant le Rwanda de soutenir le groupe rebelle M23 dans l’est de la RDC. Ce communiqué avait provoqué une réaction farouche de Kigali. Par son ministère des Affaires étrangères, le Rwanda avait dit regretter « la déclaration américaine qui déforme la réalité et se réserve le droit de se défendre contre les actions de la RDC dans la région, qui, selon lui [le ministère des Affaires étrangères rwandaises, NDLR], menacent la sécurité rwandaise ».