Au mois de mai dernier, le président Sud-africain Cyril Ramaphosa a été reçu à la maison blanche par Donald Trump, président américain. Au cours de leur conférence de presse dans le bureau oval, Donald Trump a déroulé plusieurs coupures de presse à son hôte, dénonçant le génocide contre les fermiers blancs en Afrique du Sud. Parmi les images exhibées figurent des captures d’écran d’une vidéo filmée au cimetière de l’Institut Technique Industrielle de Goma (ITIG). Congo Check a rencontré Djaffar Sabiti, journaliste reporter d’images pour Reuters et auteur de la vidéo de laquelle la capture est tirée.
Une de vidéos est tournée à Goma mais faussement présentée comme provenant de l’Afrique du Sud
Dans un Factsheet publié à l’époque par Reuters, propriétaire de la vidéo filmée à Goma, il est mentionné que Donald Trump a diffusé un clip vidéo montrant une longue file de croix blanches sur le bord d’une autoroute, qui, selon Trump, étaient des “sites d’enterrement” pour les fermiers blancs.
“La vidéo a été réalisée en septembre 2020 lors d’une manifestation contre les meurtres de fermiers après que deux personnes aient été tuées dans leur ferme une semaine plus tôt. Les croix ne marquaient pas les tombes réelles. Un organisateur a déclaré à la chaîne publique sud-africaine SABC, à l’époque, que les croix en bois représentaient des agriculteurs qui avaient été tués au fil des ans”, note l’agence de presse britannique.
Dans la séquence suivante, Donald Trump avait brandi une feuille de papier imprimée avec une photo de personnes soulevant des sacs mortuaires.
“Ce sont tous des fermiers blancs qui sont enterrés”: s’est exclamé Trump devant la presse mobilisée à la Maison Blanche. Cette photo constitue en réalité une capture d’écran tirée d’une vidéo diffusée par Reuters. La vidéo a été filmée à Goma par le journaliste Djaffar Sabiti qui couvrait pour Reuters, les enterrements en février dernier des victimes des affrontements entre les Forces Armées de la République démocratique du Congo et les combattants du Mouvement du 23 Mars, l’une de composantes de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) dans la ville de Goma fin janvier 2025. Ces enterrements étaient organisés au cimetière de l’Institut Technique Industrielle de Goma (ITIG) par la Croix-Rouge face au vide administratif qui sévissait au sein de la ville et à la décomposition des corps qui gisaient dans plusieurs quartiers.
“Confiné dans un même hôtel avec Djaffar Sabiti durant la semaine d’affrontements, je me rappelle que ce dernier avait attendu l’autorisation de sortie de la part de l’équipe de sécurité de Reuters avant de répondre à la proposition de couverture de ces enterrements organisés par le Comité International de la Croix-Rouge”; se souvient Fiston Mahamba, un autre journaliste de Reuters basé à Goma.
“L’image a été ajoutée à un billet de blog sur le tribalisme en Afrique du Sud et au Congo qui ne fournissait pas de légende mais donnait un lien vers la vidéo YouTube dont elle était tirée, qui créditait Reuters. Trump a montré le blog aux journalistes au milieu d’une pile d’articles imprimés qui, selon lui, montraient des preuves de meurtres de Blancs en Afrique du Sud” précise de son côté Reuters qui débusquait l’infox.
Djaffar Sabiti choqué par la désinformation mais aussi fier de son travail malgré cette sortie de contexte
Dans un entretien avec Congo Check, le journaliste reporter d’images Djaffar Sabiti a indiqué qu’il était choqué en suivant la séquence dans laquelle ses images ont été détournées par Trump sur fonds d’une condamnation d’un génocide de blancs en Afrique du Sud. Cependant ce dernier se dit avoir senti de la fierté de voir ses images être prises comme “fausse preuve” par l’un de dirigeants les plus influents du monde.
Djaffar Sabiti conclut sa déclaration à Congo Check avec un sentiment de regret: “en tant que journaliste, j’ai pour mission de lutter contre la désinformation. Avec cette manipulation de ma vidéo par le président Donald Trump, je sens que mon combat contre la désinformation ne fait que commencer” a-t-il bouclé.


