Sur Facebook, plusieurs publications mettent en avant une théorie de complot autour de la disparition des enfants, qui serviraient ensuite de matière première à la fabrication d’une drogue très convoitée : l’adrénochrome. Pourtant, la plupart des affirmations contenues dans ces publications ne se basent sur aucun fait et ont été plusieurs fois démenties.

https://web.facebook.com/aidaamary/posts/4220114254693693

Dans une longue publication postée le 27 juin et ayant récoltée 276 partages, l’internaute Samb Amary Djiguénou Bayam soutient que Mel Gibson avait, lors du Graham Norton Show, dénoncé plusieurs disparitions d’enfants à Hollywood. « Les studios hollywoodiens trempent dans le sang d’enfants innocents. Le sang de bébé est si populaire à Hollywood qu’il fonctionne essentiellement comme une monnaie à part entière. Les bébés sont leur marque prémium de steak, de cocaïne, de caviar de haute qualité. », aurait dénoncé l’acteur américain.

Quid de l’adrénochrome

En cherchant sur des sites et publications sérieux sur internet, nous avons trouvé ceci : l’adrénochrome est un composé organique de formule C9H9NO3. C’est un pigment bleu issu de l’oxydation de l’adrénaline. Il n’est pas une substance psychotrope, et est obtenue par oxydation de l’adrénaline. L’adrénochrome est produit naturellement par le corps humain mais peut également résulter d’une oxydation réalisée in vitro (en laboratoire) avec un agent oxydant.

Aucune étude n’établit formellement un effet hallucinogène ou psychotrope de cette substance.

L’adrénochrome n’est pas illégal dans plusieurs pays.

Cité par l’AFP factuel (qui s’occupe de la vérification des faits), Laurent Karila, psychiatre et addictologue à l’hôpital Paul Brousse de Paris est formel sur l’adrénochrome : « C’est un dérivé de l’adrénaline, donc il est possible que les effets soient adrénergiques : le cœur qui bat vite, on transpire, etc. mais je n’ai jamais entendu parler de cas d’intoxication à l’adrénochrome. C’est un mythe. Un mythe complet ».

« Cette substance est bel et bien utilisée, mais sous sa forme synthétique », explique pour sa part l’éditeur sud-africain Jabulani Sikhakhane pour Theconversation.com.

Sur Erowid, encyclopédie participative des substances psychotropes, on retrouve quelques rares témoignages de consommation d’adrénochrome. Genaro rapporte : « J’ai l’Adrenochrome à 70euros pour 250mg. J’ai tenu 100 mg sous ma langue pendant 1 minute puis j’ai avalé. Puis j’ai sniffé 50 mg. Enfin, j’ai fumé 25mg (vaporisé dans une pipe à crack). Les trois essais m’ont donné exactement les mêmes effets, qui étaient très légers et vraiment inintéressants (je n’appellerais même pas ça un high). Inutile de dire que j’ai été très déçu par ce composé sans intérêt ».

Mythe né et entretenu par un roman, adapté au cinéma

Le mythe de l’Adrenochrome tire son origine d’un roman de Hunter S. Thompson, paru en 1972, « Fear and Loathing in Las Vegas: a Savage Journey to the Heart of the American Dream » (Las Vegas Parano en version française). Dans son ouvrage, Hunter S. Thompson présente l’adrénochrome comme un extrait de glande surrénale, prélevé sur un sujet encore vivant, lui octroyant un caractère exotique et rare.

« Il n’y a qu’une seule source pour ce truc… Les glandes d’adrénaline d’un corps humain vivant. Ça ne fonctionne pas si tu le récupère sur un cadavre. », dit Raoul, personnage principal de cette fiction. Une affirmation aujourd’hui transposée à la réalité sur les réseaux sociaux.

https://books.google.fr/books?id=29vuCwAAQBAJ&pg=PA85&lpg=PA85&dq=gilliam+adrenochrome&source=bl&ots=3G0GpP9Y8J&sig=bO3DRko1KMeAZJQ0h-fv91Qkxyk&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwik6t-8z7zbAhVIzRQKHURuDoA4FBDoAQgpMAE#v=onepage&q=gilliam%20adrenochrome&f=false

Plusieurs autres incohérences dans la publication

Alors que la publication attribue à Mel Gibson des propos corroborant cette théorie du complot, Congocheck a revu l’émission citée (tournée en 2019 et non 2017) sans retrouver ces affirmations. La séquence est essentiellement consacrée à Very bad dads 2, film dans lequel a joué Mel Gibson.

Cependant, l’acteur américain a bien évoqué les problèmes de sexisme et d’agressions sexuelles à Hollywood lors d’une interview donnée en 2017. Il n’était question ni de pédophilie ni de satanisme.

Également mentionné dans le post, Robert David Steele n’a jamais été officier de renseignement de haut rang à la CIA. Congo Check n’a pas non plus retrouvé ses propos en relation avec le sang humain qui rajeunit. Toutefois, l’homme qui se présente comme un ancien agent secret a affirmé que la « NASA aurait kidnappée des enfants afin de les envoyer dans une colonie sur Mars et de les utiliser comme esclave sexuel et que cela inclut également leur meurtre pour récupérer la moelle osseuse, ainsi que des parties de leur corps ». A cette accusation « farfelue », la réplique de la NASA a été cinglante.

« Il n’y a pas d’humains sur Mars. Il y a seulement des rovers actifs », avait réagi à l’époque Guy Webster, porte-parole de la Nasa chargé de l’exploration de Mars, regrettant au passage qu’une rumeur stupide sur internet devienne une information.

Toujours selon le post, l’armée américaine, Interpol et les forces militaires locales de différents pays auraient sauvé des enfants d’un immense réseau de tunnels aux USA, au Canada, au Mexique, à la Nouvelle Zélande, au Liban, au Vatican et partout en Europe. Sauf qu’aux USA, l’unité chargée d’enquêter sur les trafics pédophiles est le FBI à travers Child Exploitation and Human Trafficking Task Forces (CEHTTFs).

En 2019 (année supposée du démantèlement), 337 individus liés à un site de pédopornographie ont été arrêtés dans 38 pays, dont la France, à la suite d’une enquête internationale. Le FBI a également identifié et dans certains cas sauvé plus de 100 mineurs .

Image trafiquée

Enfin, la photo utilisée pour accompagner la publication tend également à porter confusion. Elle montre un groupe d’hommes riches autour d’une petite fille inconsciente. Il s’agit pourtant d’une peinture réalisée par l’artiste autrichien Gottfried Helnwein. L’œuvre, baptisée “Epiphany III (Presentation in the Temple)”, est exposée au musée Albertina à Vienne.

Vous pouvez lire sur le site factuel de AFP un article complet sur ce sujet.

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