Depuis quelques années, les relations entre la France et ses anciennes colonies de cessent de se dégrader. D’où l’apparition du mot péjoratif sur cette relation : la françafrique. Les pays actuellements dirigés par des putschistes ont rompu la majeure partie de leurs collaborations militaires avec la France, dont certaines qui duraient depuis une décennie ! Pour se protéger mutuellement, l’AES (Alliance des États du Sahel), encore appelée Liptako-Gourma, a été crée fin 2023. Elle est composée du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Et c’est dans ce contexte qu’une rumeur est apparue : Françpois Bayrou, actuel Premier ministre français, aurait manqué les mots pour répondre à la question sur une probable collaboration entre la France et cette Alliance !
Contexte : c’est quoi en réalité l’AES ?
C’est un pacte de défense mutuelle conclu entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso le 16 septembre 2023. L’accord est signé à la suite du coup d’État du 26 juillet 2023 au Niger, contre lequel la CEDEAO menace alors d’intervenir militairement.
L’AES a été créée pour aider à contrer d’éventuelles menaces de rébellion armée ou d’agression extérieure, en soulignant que « toute attaque contre la souveraineté et l’intégrité territoriale d’une ou plusieurs parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres parties ».
L’infox : 30 seconde d’hésitation et de balbutiement de François Bayrou
Cette courte vidéo de 30 secondes, vue des milliers de fois, montrant François Bayrou nouveau premier ministre français incapable de tenir un discours devant les députés à l’Assemblée nationale, est devenue virale sur les réseaux sociaux Facebook, Instagram et TikTok. Dans cette courte séquence, le premier ministre français ne parvient pas à finir une seule phrase et balbutie constamment. Selon les auteurs du post, il n’a pas su répondre à la question des députés qui envisageaient si la France pourrait collaborer avec l’EAS.
Cette publication a entraîné une vague de spéculations, et certains internautes se sont dits être déçus de voir un chef du gouvernement d’un pays comme la France incompétent à ce point.
Cependant, Congo Check s’est penché dessus, et ses résultats des vérifications prouvent qu’il s’agit d’un deepfake, une technique qui permet de créer des vidéos manipulées de manière réaliste dans lesquelles les visages et les voix d’une personne sont inclus. Nous sommes parvenus à trouver la vidéo originale de l’intervention de François Bayrou qui était devant les députés lors de la session plénière du 17 décembre. À chacune de ses prises de parole, de la première minute jusqu’à la fin de son intervention, nulle part nous l’avons vu s’exprimant avec autant d’hésitation comme ce fut le cas dans la vidéo en cours d’étude.
De plus, la prétendue question sur une éventuelle collaboration future entre la France et l’EAS ne lui a guère été adressée par les députés lors de cette session.
Il s’agit d’un montage fait en collant ensemble plusieurs moments de pause et de réflexion pendant l’allocution de Bayrou.
« À la simple question de savoir si la France pourrait coopérer avec l’EAC, le premier ministre français n’a pas su répondre à la question des français. » 71 mentions (j’aime), des commentaires et des partages.
Dans la file des commentaires, plusieurs réactions. Salif Dieng « C’est vraiment une honte pour un pays comme la France. » Ibrahim Neya : « Quand on n’est pas bègue et qu’on répond en bégayant, c’est qu’on est en train de mentir. » Hassan Preto : « Je suis convaincu que l’EAC trouble les esprits de plusieurs. »
Cette publication a été reprise sur Instagram et Facebook. (1, 2, 3)
Vérification des faits
Dans notre première démarche, nous avons adressé la question à l’un des auteurs du post pour connaître ses sources d’information. Aucune réponse ne nous a été réservée.
Une fausse rumeur
Dans la suite de notre démarche de vérification, nous avons effectué la technique de recherche d’images inversées à partir de Google Lens et nous avons été conduits sur la chaîne YouTube Ouest France qui a mis en ligne, le 17 décembre, une vidéo titrée : « Direct : Assemblée nationale, François Bayrou va répondre aux questions des députés.» Une vidéo qui a une durée de deux heures, neuf minutes et trente secondes.
Notre équipe a visualisé l’intégralité de l’intervention du premier ministre français devant les députés à l’Assemblée, et nulle part François Bayrou a tenu un discours avec autant d’hésitation et d’incompétence comme semble le montrer la vidéo en cours de vérification.
Vous pouvez également suivre ce direct sur la page Facebook certifiée de Burt.
Congo Check a également constaté que la question relative à une prétendue collaboration future entre l’EAS et la France n’a nullement été adressée à François Bayrou.
Au-delà de vérifier cette séquence, nous avons également parcouru le compte rendu de cette session plénière disponible sur le site du gouvernement et nous n’avons pas lu une question cadrant avec l’EAS.
Un deepfake
Pour nous rassurer que cette vidéo est un deepfake, nos équipes des vérificateurs ont téléchargé la séquence et l’on soumise dans l’outil pour le test « Deepware », un logiciel dont la mission principale est la détection de contenus générés par intelligence artificielle ou très fortement modifiées.
Les résultats de cette analyse obtenus ont indiqué que la vidéo a un taux estimé à 96 % de probabilité d’être un deepfake, ce qui signifie qu’elle n’est pas originale ou qu’elle a été fortement altérée. Un élément qui remet en question son authenticité.
En regardant avec plus de minutie, on peut facilement remarqué des changements de posture trop abruptes, et des députés soit là soit ayant disparu dans une même fraction de seconde. Les mouvement sont trop saccadées, loin des mouvements naturels.
Contexte
Pour la première fois depuis sa nomination à Matignon, François Bayrou répondait aux questions des députés. Le gouvernement n’étant pas encore composé, cette séance était réservée à des questions au Premier ministre. L’organisation de cette séance avait été demandée par la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet lors de sa rencontre avec François Bayrou samedi, et la conférence des présidents l’a actée lundi en début d’après-midi.
C’est le mardi 17 décembre que le premier ministre répondait aux questions des députés à l’Assemblée nationale.
Nous sommes parvenus à la conclusion selon laquelle, la vidéo en cours de vérification est un deepfake.
