Une vidéo montrant une voiture de type fourgon, transportant des enfants et entourée d’une foule remontée, est attribuée par les internautes à l’Organisation des Nations Unies au Sénégal. La légende qui accompagne la vidéo, pointe du doigt le kidnapping, le trafic d’êtres humains et d’organes par l’ONU. Pourtant cette vidéo n’a pas été filmée au Sénégal plutôt au Zimbabwe et n’a aucun lien avec l’enlèvement d’enfants ou le trafic d’organes humains comme le démontrent les recherches menées par Congo Check, l’organe de vérification en Afrique francophone Subsaharienne certifié par l’International Fact-Checking Network.

“Au Sénégal, une foule attaque un camion de l’ONU car elle sait qu’ils volent des enfants et, en fait, elle découvre qu’ils les ont kidnappés. Ces enfants sont destinés au marché des pédo-satanistes”; écrit un post sur Facebook qui mobilise les cadres, les parlements, les magistrats, les associations de défense des droits de l’homme… qui se préoccupent des migrants et en particulier des enfants et des femmes, à agir.

https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=674468287722714&id=100054786468562&mibextid=Nif5oz

La même rhétorique est reprise sur les autres plateformes en ligne, notamment sur Twitter.

“Sous les auspices des organisations du système des Nations Unies, des enfants sont kidnappés pour trafic d’organes, adrénaline et prostitution”; annonce Mohhamed Al-Hawsawi sur son compte Twitter avant de rajouter: “au Sénégal, des habitants ont intercepté un véhicule de l’ONU lorsqu’ils ont découvert qu’il transportait des enfants hors d’Afrique”.

Une vidéo filmée à Bulawayo (Zimbabwe) en 2019 sur fonds d’une fausse alerte de kidnapping

En menant les recherches sur l’origine et la localisation du lieu où a été filmée la vidéo après une alerte de la direction de la communication et du plaidoyer de la Coordination des Nations Unies au Sénégal, les équipes de Congo Check se sont heurtées sur diverses contraintes techniques afin d’authentifier ce contenu. Tout d’abord, la vidéo est floue et les objets d’identification (écrits, signalisations, enseignes, monuments…) sont rares sur la séquence. Aussi, le son n’est pas audible, vu le vacarme, ce qui ne permet pas de bien se renseigner sur la langue parlée par la foule.

C’est ainsi que Congo Check a recouru à la méthode de lecture par pause sur les secondes de la vidéo. Cette méthode a permis de déchiffrer quelques lettres qui composent les écrits mentionnés sur le van. En mettant les mots SIN..ERE SECURITY dans le moteur de recherche Google, les équipes de Congo Check ont repéré une société dénommée SINCERE SECURITY au Zimbabwe.

“C’est en rajoutant les mots -enfants et kidnapping- sur ces résultats que nous sommes tombés sur la vidéo originale” commente, réjoui, Fiston Mahamba Wa Biondi, éditeur à Congo Check.

“Une foule est montrée forçant les portes du fourgon de Sincere Security où émergent plusieurs mineurs, dont certains pleurent, qui semblent tous avoir moins de sept ans. La camionnette a été arrêtée par un conducteur qui a vu l’un des enfants faire des signes et pleurer à travers la minuscule fenêtre du véhicule. La foule en colère s’est retrouvée en tort après avoir emmené leur-coupable-au poste central de la police de Bulawayo où il a été établi que l’homme transportait simplement les enfants de son patron dans une camionnette de l’entreprise” écrivait en avril 2019 Zim Eye.

“Le gardien dont le nom n’a pas pu être établi était – selon des sources policières – entrain d’emmener les enfants à la rencontre de leurs parents” poursuit la même source.

Plusieurs autres médias du Zimbabwe avaient indiqué que la police avait confirmé qu’il ne s’agissait pas d’un kidnapping moins encore d’un réseau de trafic d’organes (liens vers les articles de ces médias locaux: 1, 2, 3).

Sincere Security opère au Zimbabwe avec les mêmes types de fourgon, pas au Sénégal

Se rendant sur le site internet de la société Sincere Security, opérationnelle au Zimbabwe depuis 2006, Congo Check est tombé sur les mêmes types de van visibles sur la vidéo dans la galerie de l’entreprise.

http://sinceresecurity.co.zw/sites/default/files/styles/max_1300x1300/public/2017-12/IMG_8502.jpg?itok=K9elGWPK

“Entité entièrement détenue par des Zimbabwéens, Sincere Security est exploitée par un personnel qualifié et expérimenté axé sur la fourniture de services de sécurité aux particuliers et aux entreprises” écrit le site dans la page “À propos” de son site internet.

“Sincere Security Company propose un ensemble complet de services de sécurité conçus pour répondre aux besoins d’un large éventail de clients, allant des particuliers et des petites entreprises ayant des besoins de sécurité privés aux multinationales et aux organisations du secteur public ayant besoin de services de sécurité à l’échelle nationale” poursuit la source.

Une infox nuisible

Si, au Zimbabwe, cette imprudence a failli coûté la vie au chauffeur du fourgon, le recyclage de cette désinformation est dangereux pour les membres du personnel des Nations Unies au Sénégal. Ces derniers pourront être pris pour cibles par les membres des communautés locales, qui penseront que l’ONU est actuellement impliquée dans le trafic d’êtres et d’organes humains. Aussi, les programmes des organismes du système des Nations Unies, prenant en charge les enfants, pourront connaître un faible engouement si les parents atteints par cette désinformation développent une méfiance vis-à-vis des interventions des Nations Unies. Ainsi, les activités de vaccination de routine pourront par exemple être impactées.

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Fiston MAHAMBA
K. MAHAMBA WA BIONDI, connu sous le nom de plume "Fiston Mahamba Larousse" est diplômé en sciences de l'environnement et développement durable à l'Institut Supérieur de Développement Rural à Beni. Journaliste basé dans la partie Orientale de la République Démocratique depuis 2012, il s'est forgé dans l'exercice de ce métier après plusieurs formations de journalisme au Deutsche Welle Akademie, le centre de développement médias de la radiodiffusion publique Allemande. En 2018, il s'inscrit à l'École Supérieure de Journalisme de Lille pour parfaire une licence en journalisme multimédia. Ancien officier de communication au sein des Nations Unies, il poursuit un Master2 en Techniques des Métiers de l'Information à l'Université Nazi Boni (Burkina Faso) /Université Lumière Lyon (France). Son livre "Ebola: Fixers, ces boucliers non immunisés" est en cours d'édition. Journaliste et chercheur spécialisé sur la région orientale de la République Démocratique du Congo et les Grands-Lacs africains, ses études se focalisent sur les ressources naturelles, la santé, les conflits... Ses domaines de travail journalistique sont orientés vers l'environnement, le développement, l'emploi, les nouvelles technologies, l'agriculture, la politique, la culture,... qu'il couvre en écriture et images.

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