En République démocratique du Congo, les affrontements entre les Forces Armées de la RDC et les rebelles du Mouvement du 23 Mars (M23) se poursuivent dans les territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo au Nord-Kivu. Cette guerre qui dure depuis 2021 continue de faire également des victimes parmi les populations civiles et enregistre un nombre croissant d’offensives médiatiques, qui tournent parfois en propagande dans les deux camps.
Congo Check, qui suit cette guerre de près dans sa mission de démêler le vrai du faux en se basant sur les faits irréfutables basés sur les données de terrain complétés par des entretiens avec les sources militaires et les organes assermentés revient sur les déclarations des officiels congolais, annonçant faussement la reprise ou la reconquête des localités par les Forces Armées de la République Démocratique du Congo des mains de rebelles du M23.
Kibirizi et Vitshumbi toujours sous emprise rebelle
S’exprimant dans la réunion du 135ème conseil des ministres, tenu le 16 mai dernier, le ministre de la défense Jean-Pierre Bemba a annoncé la reprise des localités congolaises de Kibirizi et Vitshumbi par l’armée gouvernementale. “Il [ndlr= le ministre Jean-Pierre Bemba] a précisé que nos FARDC ont repris le contrôle de la localité de Mutanda, le 11 mai 2024, qui était jusqu’alors une position de l’armée rwandaise et des terroristes M23. Quatre jours plus tard, nos militaires ont également conquis les localités de Vitshumbi et Kibirizi” note la page 9 du compte rendu du conseil des ministres que vous pouvez lire ici.
Pourtant, les sources locales et celles de l’armée congolaise qui se bat sur terrain, contactées par Congo Check réfutent cette allégation. Pour vérifier l’information sur la reprise de ces deux localités congolaises, l’équipe de Congo Check s’est entretenu avec les sources humaines locales dont des habitants de Vitshumbi et les membres de la société civile locale. Congo Check s’est également rapproché des unités des Forces Armées de la République démocratique du Congo qui combattent les rebelles du M23 dans la zone afin de savoir si elles contrôlent lesdites agglomérations. En plus, de ces sources humaines, les nouvelles technologies ont été mobilisées et prouvent l’emprise rebelle sur ces localités.
“Les FARDC n’ont jamais repris Vitshumbi. Ils ont lancé des bombardements dans les camps militaires des M23/RDF se trouvant dans le parc national des Virunga à partir de l’escapement de Kabasha” raconte à Congo Check une source civile. “Vitshumbi reste jusqu’à présent entre les mains de rebelles du M23” poursuit la source qui annonce que Mirangi, une autre localité située dans la région est tombée sous le contrôle rebelle ce 28 mai 2024 dans la matinée².
Joint par Congo Check, l’armée congolaise dans la zone concernée a indiqué n’avoir pas récupéré ces deux localités mentionnées par Jean-Pierre Bemba. “C’est faux. Qui a donné cette information” s’exclame un haut gradé de l’armée congolaise interrogé par Congo Check. En raison du caractère controverse de cette information, Congo Check ne va pas également dévoiler l’identité de cet officier militaire³. Un autre officier des FARDC situé dans la même région démenti l’annonce de la reprise de ces deux localités par l’armée congolaise. “Ces contrées sont sous contrôle M23” déclare-t-il tout en espérant que la donne changera bientôt en faveur de l’armée congolaise⁴.
Des images montrent les soldats du M23 à Vitshumbi
Congo Check s’est procuré des images prises ce 28 mai vers 17 heures locales et qui montrent des soldats de la rébellion du M23 à Vitshumbi.
Pour rentre la géo-localisation des lieux où ont été prises ces images, l’équipe de Congo Check a activé le GPS sur l’appareil photo afin de rendre accessible les lieux à toute personne. Vous trouverez également ci-dessous la carte de ces lieux.
Le M23 dit contrôler la zone et compte y organiser un meeting
Congo Check a joint Willy Ngoma, porte-parole militaire de la rébellion du M23 a indiqué que son groupe contrôle Vitshumbi et compte y organiser un meeting dans cette agglomération. “Nous sommes à Vitshumbi et bientôt nous allons faire un meeting” déclare-t-il, refusant de donner des détails logistiques sur la tenue du meeting.
La publication d’informations erronées en période de conflits peut mettre en danger les vies de populations civiles. Croyant aux annonces officielles, les civils qui se sont réfugiés dans les endroits sécurisés peuvent être pris dans les combats en voulant retourner dans leurs villages d’origine.
*1, 2, 3, 4: Attachée à la transparence, l’équipe de Congo Check a préféré cité sous anonymat les sources civiles et militaires ayant témoigné dans ce dossier sensible afin de s’aligner sur la règle journalistique recommandant la protection des sources dans des conditions où la révélation de leur identité mettrait en danger leurs vies ou leurs fonctions. Pour rendre crédibles leurs témoignages, Congo Check a accéder à des vidéos de terrain, filmées au lendemain de leurs déclarations et qui montrent la présence des rebelles du M23 dans les cités concernées.