L’image devenue virale, essentiellement sur les réseaux sociaux en Afrique Subsaharienne francophone, montre le président français Emmanuel Macron, dans une cave, entouré de lingots d’or. Les différentes légendes dénoncent le pillage de l’or des pays d’Afrique afin de garnir la réserve d’or française, qui se classe quatrième au monde alors qu’il “n’existe aucune mine sur le sol français”.

Les équipes de Congo Check ont pris en charge cette masse de désinformations et ont conclu premièrement que la photo d’illustration est fausse car générée par intelligence artificielle. Deuxièmement, l’or gardé dans la réserve d’or française ne vient pas de l’Afrique, mais essentiellement des opérations de conversion de dollars américains avec les États-Unis. Il faut aussi souligner que la France a eu sur ses terres des mines d’or encore existantes aujourd’hui, contrairement aux affirmations erronées stipulant que ce pays n’en a aucune.

“France : 4ème réserve d’or du monde avec plus de 2 436 tonnes sans une seule mine sur son sol !” écrit ce post sur Facebook. Ces genres des publications sont nombreuses et attirent généralement des réactions hostiles à la France.

La photo d’Emmanuel Macron entouré d’or est générée par intelligence artificielle

Les premières vérifications des équipes de Congo Check ont cherché à savoir l’origine de la photo qui illustre la majorité de ces publications en cours de vérification. En la téléchargeant sur les moteurs de recherche d’images inversées, les résultats n’ont pas été concluant. Aucun crédit n’est disponible, ce qui signifie que l’image n’a pas été prise par un humain ou n’est pas revendiquée par une institution.

Congo Check a inséré la photo dans l’application Hive Moderation, qui permet de mesurer la probabilité selon laquelle une image serait générée par intelligence artificielle. Les résultats donnent 98.4% de probabilité que l’image provienne de l’intelligence artificielle.

Lire plus sur le sujet —> Synthetic Lies: Understanding AI-Generated Misinformation and Evaluating Algorithmic and Human Solutions

La France possède la 4ème réserve d’or au monde, un fruit des transactions avec les États-Unis

Afin de vérifier l’origine de l’or gardé dans la réserve française, Congo Check a consulté plusieurs documents dont ceux de la Banque de France, qui expliquent en détails les procédures autour de la conservation des matières précieuses.

“La France est le quatrième pays détenteur d’or, au niveau mondial, derrière les États-Unis, l’Allemagne et l’Italie (le cinquième en incluant les avoirs du Fonds monétaire international – FMI). La loi assigne notamment à la Banque de France la mission de détenir et de gérer les réserves en or de l’État (article L141-2 du Code monétaire et financier)” écrit la Banque de France dans ce document que vous pouvez exploiter en cliquant ici.

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L’institution publique française explique qu’elle conserve cet or dans un lieu ultra-sécurisé, appelé « la Souterraine » qui
est située à 27 mètres sous terre
et que l’endroit peut accueillir 180 000 tonnes soit environ 9 000 m3 (soit 19,5 tonnes/m3).

Enfin la Banque de France dévoile dans le même document la valeur actuel de son or, qu’elle ne vend plus et n’envisage pas le faire : L’encours d’or publié mensuellement par la Banque de France s’élevait, fin mai 2023, à 78,3 millions d’onces, soit 2 436,8 tonnes. Ce chiffre n’a pas varié depuis 2009, date des dernières ventes d’or. Il n’y a aucun projet de le faire varier dans les années qui viennent, ni à la hausse, ni à la baisse : c’est un actif de réserve qui contribue à la solidité du bilan de la Banque de France et donc à sa crédibilité pour conduire ses missions de façon indépendante” renchérit cette institution financière.

L’or gardé par la Banque de France vient des opérations de conversion avec États-Unis

Dans un article publié en 1965 et retrouvé dans les archives du journal Le Monde, une explication porte sur l’acquisition de l’or américain par la France et son placement dans la réserve d’or française.

Intitulé “LA FRANCE CONVERTIRAIT EN OR 300 millions de dollars Cette opération ne devrait pas gêner les Américains estime-t-on à Paris”, cet article, signé par Paul Fabra et publié le 6 janvier 1965 dans Le Monde, repose sur une autre publication d’un journal britannique révélant que le général Charles de Gaulle avait l’intention de convertir en or une partie importante des réserves en dollars que la France détenait.

Cette information est confirmée par un autre récent article de vérification, publié par AFP Factuel, qui debusquait des déclarations selon lesquelles l’or de la réserve d’or française était pillé principalement au Mali.

“En 1965, le général de Gaulle, alors président de la République dit -je n’ai pas confiance dans la solidité du dollar- et comme c’était la seule devise à bénéficier de la convertibilité de l’or, on va voir les Américains, on leur donne leurs dollars en papier et on leur prend de l’or au taux de la convertibilité”, explique Mme Assouan.Alors que les réserves aurifères françaises avaient chuté à environ 500 tonnes à la fin des années 40, elles atteignent alors “un (niveau) plus haut [compris] entre 4.500 et 5.000 tonnes d’or” en provenance “des caisses de la Réserve fédérale américaine” lit-on dans cet article.

Mines d’or fermées en France mais actives en outre-mer

Selon Mineral Info, portail français des ressources minérales et non énergétiques, le sous-sol français dispose de ressources en substances de carrières ainsi que des ressources en substances de mine (notamment sel, hélium et différents métaux). Quelques mines sont encore en activité : sel, bauxite, or en Guyane et nickel en Nouvelle-Calédonie. Les carrières correspondent à une activité extractive bien plus importante, avec des matériaux de construction (granulats), des roches de construction et ornementales ainsi que des minéraux industriels (talc, diatomite par exemple).

Plusieurs mines situées en France ont été fermées. Parmi celles-ci, la mine de Salsigne fermée en 2004 mais dont la réouverture est envisagée par les autorités françaises sous un « procédé écoresponsable ».

À l’heure de la guerre d’influence entre les États occidentaux et d’autres puissances émergentes (comme la Russie) en Afrique, plusieurs campagnes de désinformation sont alimentées par des entités coordonnées par ces puissantes nations à travers le monde. Si les publications épinglées dans cet article de vérification n’ont pas fait l’objet d’une enquête sur leur lien avec une quelconque campagne d’influence portée par un pays tiers, il s’avère qu’elles peuvent être la conséquence de cette guerre hybride qui désormais s’installe dans les pays africains.

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Fiston MAHAMBA
K. MAHAMBA WA BIONDI, connu sous le nom de plume "Fiston Mahamba Larousse" est diplômé en sciences de l'environnement et développement durable à l'Institut Supérieur de Développement Rural à Beni. Journaliste basé dans la partie Orientale de la République Démocratique depuis 2012, il s'est forgé dans l'exercice de ce métier après plusieurs formations de journalisme au Deutsche Welle Akademie, le centre de développement médias de la radiodiffusion publique Allemande. En 2018, il s'inscrit à l'École Supérieure de Journalisme de Lille pour parfaire une licence en journalisme multimédia. Ancien officier de communication au sein des Nations Unies, il poursuit un Master2 en Techniques des Métiers de l'Information à l'Université Nazi Boni (Burkina Faso) /Université Lumière Lyon (France). Son livre "Ebola: Fixers, ces boucliers non immunisés" est en cours d'édition. Journaliste et chercheur spécialisé sur la région orientale de la République Démocratique du Congo et les Grands-Lacs africains, ses études se focalisent sur les ressources naturelles, la santé, les conflits... Ses domaines de travail journalistique sont orientés vers l'environnement, le développement, l'emploi, les nouvelles technologies, l'agriculture, la politique, la culture,... qu'il couvre en écriture et images.

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