Une publication sur Facebook affirmant que Félix Tshisekedi a autorisé la peine de mort au Nord-Kivu circule depuis ce mardi 13 juillet. 5 heures après, la publication a généré plus de 710 réactions. Méfiez-vous, c’est une fausse information.
« Eyindi, peine de mort appliquée ! Fatshibeton frappe fort, fini pour les criminels économiques et de sang ! Le gouverneur militaire Constant Ndima déclare avec l’autorisation du commandant suprême : « J’ai décidé d’exécuter sans pitié tous les voleurs et criminels conformément à notre constitution de la RDC qui autorise la peine de mort. Nous allons appliquer notre Constitution dans sa totalité surtout pour ceux qui volent nos minerais, nosrichesses, …, » lit-on sur Agence Vérité IMMO Puissance.
Réactions des internautes
En commentaire, certains internautes ont cru à cette information. C’est le cas de Gilbert Musafiri Zamani, qui attend avec impatience l’application de cette mesure.
« Suis impatient de voir cette promesse être réalisée », commente-t-il.
« Merci, imposez votre gouvernement mais en 2023 la population vous imposera », note pour sa part Emmanuel Manara.
Joseph Atolo lui,voit le retour du gouvernement de l’ancien président Congolais, Laurent Désiré Kabila.« Ça me rappellel’époque de Mzee Laurent Kabila sans pitié, aidez -nous avec la référence de la peine de mort dans la Constitution », demande Joseph Atolo. Mais d’autresn’ont pas cru à cette nouvelle.
« Pourquoi transformer les propos du Gouverneur militaire uniquement dans le but de saboter les efforts consentis pour éradiquer l’insécurité à l’est du pays. Allez -vous repentir. Dieu vous voit. », suggère Michel Rbi Bis.
Même point de vue pour l’internaute Serge Ebal, « Le Gouverneur militaire n’a même pas parlé de peine de mort. Pourquoi mettre en public ce que monsieur Constant Ndima n’a pas dit. Il faut vraiment bien comprendre le français », dit-il.
Pour vérifier cette information, Congo Check a contacté la présidence de la RDC, le porte-parole du Gouverneur concerné par l’information, les juristes et avons parcouru différents manuels pour comprendre le contexte de cette nouvelle. Nous avons trouvé qu’ils s’agit d’une fausse information.
Le président de la RDC n’a jamais donné cet ordre. Contactée par Congo Check, Tina Salama, porte-parole adjointe du Président de la RDC dément l’information.
« Où et quand le Président de la République avait donné cet ordre. C’est une fausse information. », précise à Congo Check Tina Salama.
La peine de mort n’est pas interdite en droit Congolais, il y a un moratoire dessus
Approché par Congo Check, le Militant des Droits Humains et Coordonnateur de l’Organisation Bunany Initiative For Humanitarian Services In Africa (BIRSA-asbl), maître Junior-Rex Bunani, a fait savoir que la peine de mort n’est pas interdite en droit Congolais.
« Elle est citée par plusieurs textes légaux comme une des peines applicables en RDC, mais depuis 2006, l’ancien Président de la RDC, Joseph Kabila Kabange avait pris un moratoire relatif à la suspension d’exécution de la peine de mort. Celle-ci a été substituée par la servitude pénale à perpétuité, que d’aucuns appellent encore la prison à vie. », a expliqué l’avocat Congolais Me Junior-Rex BUNANI.
Et d’ajouter : « cette peine a tendance à contrarier l’article 16 de la Constitution de la RDC de 2006 qui prévoit que la personne humaine est sacréeet l’Etat a le devoir de la protéger. D’ailleurs, l’article 61 de la même Constitution précise qu’en aucun cas même pendant l’état de siège, état de guerre ou état d’urgence le droit à la vie ne doit subir une atteinte. »
Mais lorsqu’on lit le Décret de 1940 portant Code pénal Congolais, nous remarquons qu’à l’article 5, la peine de mort est la première sanction qui est prévue parmi toutes les autres applicables en RDC. De même la loi de Novembre 2002 portant Code Pénal Militaire en RDC, cite aussi la peine de mort à son article 16 parmi les peines prévues en droit pénal militaire Congolais.
« Lorsqu’on fait également l’étude de l’arsenal juridique congolais ons e rend compte que plusieurs infractions telles que l’assassinat, le vol à mains à armées, le crime de génocide, crimes de guerre… Sont punies de la peine de mort renchérit ce juriste Congolais. In fine, pour ce qui concerne l’exécution de cette peine, l’arrêté du 9 Avril 1898 relatif aux exécutions capitales, la loi prévoit deux modes d’exécution de cette peine. Selon son article 1er, les exécutions capitales se feront par la pendaison pour les civils, par les armes pour les militaires », dit il.
« La loi oblige que le ministère public interjette appel contre la décision rendue auprès du Président de la République. Le chef de l’Etat se prononce avant d’exécuter à la personne à mort. Le président de laRépublique peut diminuer, commuer cette peine ou ordonner l’exécution de la personne », explique le Défenseur des droits humains Me Junior-Rex Bunani à Congo Check.
La RDC est abolitionniste de facto ?
Nous avons par la suite consulté différents documents sur la question liée à la peine de mort. Le Professeur Emérite de la Faculté de Droit de l’UNIKIN, Me Raphael NYABIRUNGU renseigne qu’il existe deux courants qui se discutent la question de la peine de mort. Un courant soutient la rétention de la peine de mort, c’est le courant des réceptionnistes de la peine de mort. L’autre courant milite pour l’abolition de la peine de mort, c’est celui des abolitionnistes.
En RDC, les juristes sont divisés sur cette question. Si pour certains la peine de mort est une sanction intimidatrice qui peut contribuer à réduire sensiblement les crimes de sang, d’autres pensent qu’il n’est pas bon de procéder à cette peine. Telle est la position du Colonel Magistrat Jean-Réné KULANDA, Premier Président de la Cour Militaire Opérationnelle du Nord-Kivu.
La RDC, a ratifié plusieurs traités internationaux qui protègent les droits humains, elle ne doit plus maintenir la peine de mort parmi les peines applicables dans son pays. C’est affirmer une chose et son contraire. Dans la pratique, la peine de mort est toujours prononcée par les juges congolais, mais elle n’est plus exécutée, car ayant été remplacée par la prison à vie depuis 2006.
D’après Action Mondiale des parlementaires, la RDC est abolitionniste de facto, la dernière exécution ayant eu lieu en 2003. En revanche, au moins 41 personnes ont été condamnées à mort dans le pays en 2018. Bien que le pays ait ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) en 1976, il n’a pas encore ratifié le Deuxième Protocole facultatif sur l’abolition de la peine de mort (PIDCP-OP2) ni supprimé cette peine dans sa législation.
En date du 21 août2019, à l’occasion de la session ordinaire de l’Assemblée Nationale, l’honorable André Mbata, député national et membre de la commission des Lois, a introduit une proposition de loi abolissant la peine de mort. Le Bureau d’études de l’Assemblée nationale a été chargé d’examiner le texte, mais il n’a jamais été ni adopté par le Parlement Congolais ni promulguée.
Bien avant lui en 2006, l’ancien Député national de Rutshuru, Professeur Raphael NYABIRUNGU, avait déposé au Bureau de l’Assemblée Nationale une loi relative à l’abolition de la peine de mort en RDC.
Lundi 12 juillet 20121, lors d’une parade militaire animée par le général Constant Ndima, Gouverneur du Nord-Kivu, un message est sorti de sa bouche concernant l’insécurité à Goma.
« ... Mes chers amis, vous n’avez pas encore vu, nous allons mettre les gens sur le poteau ici. Parce qu’il s’agit bien de l’argent du contribuable congolais. », a insinué le gouverneur militaire en lingala.
Quelques minutes après, le porte- parole du Gouverneur, le Général Sylvain Ekenge a rejeté l’information selon laquelle le Gouverneur a promis l’application de la peine de mort en public.
« C’est faux et archi-faux. Ce sont des gens qui veulent annoncer des choses sur le gouverneur. Le gouverneur a tenu une causerie morale à l’intention de la troupe. Il a galvanisé la troupe, a demandé à tout le monde de respecter le couvre-feu en vigueur depuis un certain temps. Ila dit qu’au cours de ce couvre-feu, on pourra appréhender les bandits à mettre la disposition de la justice. Le gouverneur n’a jamais annoncé l’exécution des bandits.
Dire qu’au niveau de la prison il n’y a pas de places pour lescriminels par ce qu’on va les exécuter c’est faux. Le gouverneur est un grandmonsieur, il connaît les lois du pays, il est là comme responsable de la Province et a pour mission d’appliquer et faire respecter les lois du paysnon pas pour faire sa volonté. », a indiqué le général Sylvain Ekenge joint par Congo Check.