La page Facebook « Agora Actualités » a soutenu que l’invasion russe en Ukraine est autorisée par deux articles de la charte de l’ONU. La publication a largement été partagée, dépassant le seul de 1.000 partages. Pourtant, l’affirmation n’est pas fondée.

Selon cette publication, « les articles 106 et 107 de la Charte des Nations unies donnent à la Russie, en tant que successeur légal du vainqueur de la seconde guerre mondiale, le droit de prendre toutes les mesures, y compris militaires, contre l’Allemagne, la Hongrie, l’Autriche, la Roumanie, la Bulgarie, la Finlande, la Croatie, la Slovénie, la République Tchèque, la Lettonie, l’Estonie, la Lituanie et l’Ukraine pour des tentatives de renaissance du nazisme ». En commentaires, Congo Check a constaté que plusieurs internautes ont accordé du crédit à la publication. Abubakr Garba a ainsi commenté : « En conclusion, la Russie est dans ses droits sur l’invasion ukrainienne. Vivement que les occidentaux et leurs alliés sachent que le monde d’aujourd’hui ne sera plus à leur dicta! ».

Face à la polémique, Congo Check a d’abord consulté la charte des Nations-Unies. Les articles 106 et 107 constituent le chapitre XVII intitulé : « Disposition transitoires de sécurité ». L’article 106 offre aux « parties à la Déclaration des Quatre Nations signée à Moscou le 30 octobre 1943 et la France » le pouvoir de se concerter « en vue d’entreprendre en commun, au nom des Nations Unies, toute action qui pourrait être nécessaire pour maintenir la paix et la sécurité internationales » et ce, « en attendant l’entrée en vigueur des accords spéciaux mentionnés à l’Article 43 ». « Aucune disposition de la présente Charte n’affecte ou n’interdit, vis-à-vis d’un État qui, au cours de la Seconde guerre mondiale, a été l’ennemi de l’un quelconque des signataires de la présente Charte, une action entreprise ou autorisée, comme suite de cette guerre, par les gouvernements qui ont la responsabilité de cette action », précise l’article 107 du même chapitre.

« Des dispositions tombées caduc »

Pourtant, ces articles sont aujourd’hui caducs. RFI précise que les deux bribes étaient prévues « en attente de l’entrée en vigueur des articles définitifs ». « C’est totalement fantaisiste de faire référence à des dispositions transitoires, qui ont complètement cessé d’exister depuis longtemps. En plus de ça, il y a une dénaturation totale du texte », explique Patrick Baudouin, avocat spécialiste du droit pénal international et président de la Ligue des droits de l’Homme, cité par la radio mondiale.

Aussi, poursuit la même source, ces articles, même s’ils étaient toujours en vigueur ne pouvaient légitimer la guerre en Ukraine car concernant la poursuite d’une action militaire, entreprise ou autorisée, contre un État ennemi au cours de la seconde guerre mondiale. « Or à l’époque, l’Ukraine faisait partie de l’Union soviétique », tranche RFI.

Approché par l’AFP, Guillaume Devin, professeur de science politique à Sciences Po Paris et membre du Groupement de recherche sur l’action multilatérale (GRAM), explique que « l’action envisagée se situe comme suite de cette guerre, ce qui rappelle le contexte particulier devant présider à l’interprétation de ces textes ». Selon cet expert, il faut avoir l’esprit particulièrement tordu pour estimer que l’agression russe de 2022 se situe dans le prolongement de la Seconde Guerre mondiale, déplorant ainsi une « interprétation totalement fantaisiste ».

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