Depuis quelques jours, une rumeur en circulation invite les internautes à privilégier les préservatifs, sous prétexte que les pilules contraceptives auraient été déclarées comme substances cancérogènes par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Cette affirmation est pourtant biaisée.
« La pilule contraceptive a été classée comme cancérogène groupe 1 par l’OMS, au même niveau que le TABAC . Elles augmentent le risque de cancer du sein, cancer du col de l’utérus et ou du foie », lit-on sur des publications qui ont commencé à circuler d’abord sur les réseaux sociaux TikTok et X avant de s’étendre sur Facebook.
Sur Internet, l’affirmation a semé doute et angoisse chez les utilisatrices alors que l’information a été partagée en premier via Tiktok par l’influenceuse française Lennas Vivas qui cumule plus de 10 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux. En RDC, cette affirmation a été reprise en boucle sans vérifications alors que son auteure initiale a contextualisé. « Il existe plusieurs types de pilules et de moins pires, renseignez-vous auprès d’un professionnel de santé », s’est-il ravisé.
Risque à relativiser
Les recherches menées par Congo Check ont établi que le Centre international de recherche sur le cancer, une agence de l’OMS, a effectivement classé, depuis 2005, certaines pilules contraceptives, précisément les Contraceptifs oraux œstroprogestatifs, parmi les produits cancérogènes de groupe 1, au même titre que plusieurs autres produits comme la viande, le tabac, les boissons alcoolisées et même les boissons chaudes.
Toutefois l’OMS nuance et affirme que cette catégorie « s’applique quand il y a suffisamment de preuves d’un effet cancérogène sur les humains », sans donner d’indication sur le niveau de dangerosité de la pilule. L’organisation précise également « l’affectation à une catégorie de groupe ne donne pas d’information sur la puissance du potentiel cancérogène d’un agent ».
Interrogé, Dr Emmanuel Aheka a expliqué que « toutes les pilules ne sont pas concernées » par cette mise en garde. « L’OMS déconseille l’utilisation des pilules qui contiennent à la fois des œstrogènes et des progestatifs », a-t-il expliqué.
Une étude publiée dans la revue Plos Medicine en 2023 explique que la pilule contraceptive « peut augmenter les risques d’avoir un cancer » en des proportions « très petit en termes de risque absolu », selon Gillian Reeves, professeur à l’université d’Oxford et coauteure de cette étude.
Dans un décryptage, FranceInfo, qui a contacté plusieurs spécialistes, ont rappelé que la pilule est loin d’être « le premier facteur de risque du cancer du sein ». « Les plus gros facteurs sont l’alcool, l’obésité, la sédentarité, le traitement hormonal substitutif de la ménopause pendant plus de 10 ans, les grossesses tardives et la diminution du nombre de femmes qui allaitent leur bébé », ont affirmé ces experts.
Interrogé, Dr Pamphil Bitumba, médecin basé à Kinshasa, a également confirmé cette version. « Les pilules contraceptives, surtout celles qui sont à base des oestrogènes, constituent un facteur de risque et non un facteur déterminant ou cause de certains cancers donc celui du sein », a-t-il affirmé. Selon lui, aucun lien direct n’existe entre la consommation de ces contraceptifs et le cancer.
« Les études actuelles ne permettent pas d’établir un consensus sur l’augmentation du risque de cancer. La prise de contraception hormonale pourrait même offrir une protection contre certains cancers. Un·e professionnel·le de la santé sera en mesure de préciser la nature de ces risques, selon les différentes méthodes contraceptives et le profil santé de la personne », conseil pour sa part la Direction régionale de santé publique de Montréal.
Science et presse rappelle également que la pilule, comme tout médicament, « comporte des risques d’effets secondaires » qui varient « selon le dossier médical de la femme et selon la génération d’anovulants étudiés ». « Selon les plus récentes études épidémiologiques, le risque de cancer du sein et de mortalité due au cancer du sein n’est pas plus élevé chez les utilisatrices de contraceptifs oraux combinés (COC) que chez les non-utilisatrices », rassure en même temps le Journal d’obstétrique et gynécologie du Canada.
Selon le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, la balance bénéfices risques pour la pilule contraceptive « reste très favorable chez l’immense majorité des patientes ». Pour une meilleure utilisation et un meilleur choix, Dr Phampil Bitumba a conseillé aux femmes de « se faire examiner pour étudier la compatibilité avec la méthode choisie grâce à une checklist » car, a-t-il poursuivi, les « effets secondaires dépendent d’une femme à une autre ». Cela peut aller de la prise du poids aux troubles du cycle menstruel, en passant par les nausées et vomissements.