Sur les réseaux sociaux en République Démocratique du Congo, des vieilles photos prises en 2012 sont faussement attribuées au déplacement des équipements de la rébellion du M23 par les civils en 2023 suite aux frappes de drones. Les pages et profils qui relaient ces photos avec des légendes erronées indiquent qu’il s’agit là de la nouvelle stratégie du M23 afin d’échapper aux frappes de drones CH4 récemment acquis par l’armée congolaise.
Congo Check a vérifié l’authenticité des images. Elles montrent réellement des civils qui transportent des équipements militaires des rebelles du M23 à Mushaki, localité située près de la cité de Sake à la porte de Goma. Par contre ces photos ont été prises en 2012 par le photojournaliste Phil Moore, qui collaborait à l’époque avec l’Agence France Presse et n’ont aucun lien avec les événements de 2023, voire les frappes de drones.
“Info Rapio: kahoko iko naanza weka ma boro mu palais za batu. Façon ka drone ( Saint Père) Kiko Na ba sukumia moto. Photo pale biko Na kwepesha ma Borel -ndlr- les rebelles du M23 ont développé une nouvelle stratégie consistant à s’abriter avec ses équipements dans les habitations des civils. Cela depuis que les drones ont commencé à cibler leurs positions avec des frappes. Sur ces photos que vous voyez, ils sont en train de mettre à l’abri leurs équipements”, écrit la page Swahili Facile avec un ton de gloire à l’armée congolaise et de dénigrement aux rebelles du M23. Swahili Facile est l’une de page les plus suivies et commentée par la masse populaire de la ville de Goma, capitale du Nord-Kivu car utilisant un ton humoristique et du jargon local.
Cette recette en désinformation est ainsi republiée dans les groupes fermés et les messageries cryptées telles que WhatsApp ou Telegram.
Photos prises à Mushaki en 2012 par Philip Hatcher Moore
Congo Check a pris l’une de deux photos populaires sur les réseaux sociaux et l’a téléversée dans l’application mobile Search by Images. Vous pourriez procéder de la même façon si vous êtes face à une image douteuse.
À haut des résultats, en cliquant sur l’onglet “Voir la source de l’image”, plusieurs résultats, montrant d’autres photos du même événement sont apparus, mettant en avant le stock des 48 photos prises à Mushaki et conservées par la banque d’images Getty Images.
“Des civils transportent des caisses de munitions pour les rebelles du M23 dans la ville de Mushaki, dans l’Est de la République démocratique du Congo, le 29 novembre 2012. Les combattants rebelles du M23 dans l’Est de la République démocratique du Congo remettront vendredi la ville de front de Sake aux Nations Unies et aux responsables régionaux et la ville clé de Goma suivra, ont indiqué les rebelles”, écrit Getty Images en legendes aux photos créditées PHOTO AFP/PHIL MOORE.
Outre les photos en examen, la page de Getty Images donne accès à d’autres images prises durant ce transport des munitions et équipements du M23 par les civils à Mushaki.
Sur son compte Instagram, le photojournaliste Phil Moore publie d’autres clichés montrant sa couverture de la crise du M23 en 2012.
Pomper la propagande des FARDC ou du M23, nouvelle forme de patriotisme ou de révolutionnaire
Depuis la dernière résurgence de la rébellion du M23, des médias, des personnalités publiques, des journalistes voire des officiers militaires se sont rangés derrière chacun des camps dans la région de Grands-Lacs et sa diaspora (en République démocratique du Congo, au Rwanda, en Ouganda, au Burundi, France, Belgique, Grande Bretagne, États-Unis, Allemagne, Pays-Bas, Canada…).
Pour se montrer actif et engagé dans cette guerre médiatique, ces profils amplifient des informations sans base factuelle, soit pour s’attirer la sympathie, récolter des fonds ou simplement avoir une audience sur internet.
Congo Check a récemment publié un article débusquant la glorification des femmes combattantes Oromo (Éthiopie) comme celles de la rébellion du M23 (RDC).
Toutes ces pratiques inauthentiques contribuent à l’exaspération de la crise sécuritaire dans cette région orientale de la République démocratique du Congo, où plus de 2.5 millions de personnes sont déplacées et 2,6 millions sont en insécurité alimentaire au 31 décembre 2023, selon les chiffres actualisés le 9 janvier dernier par l’Office des Nations Unies pour la Coordination de l’aide humanitaire, OCHA.
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