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𝙋𝙧é𝙩𝙚𝙣𝙙𝙪 𝙢𝙖𝙨𝙨𝙖𝙘𝙧𝙚 𝙙𝙚 𝟳𝟬 𝙘𝙝𝙧é𝙩𝙞𝙚𝙣𝙨 à 𝙆𝙖𝙨𝙖𝙣𝙜𝙖 (𝙍𝘿𝘾): 𝙘𝙤𝙢𝙢𝙚𝙣𝙩 𝙪𝙣𝙚 désinformation a 𝙚𝙭𝙖𝙨𝙥é𝙧é 𝙡𝙚𝙨 tensions 𝙚𝙣𝙩𝙧𝙚 𝙡𝙚 𝙍𝙬𝙖𝙣𝙙𝙖 𝙚𝙩 𝙡𝙚 𝙍𝙤𝙮𝙖𝙪𝙢𝙚-𝙐𝙣𝙞

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  • Déclaration : 70 chrétiens tués dans une église à Kasanga en RDC
  • Verdict : Fausse information
  • Classement par Congo Check : Désinformation/Mésinformation

Tout démarre le 26 février dernier, quand David Alton, membre de la seconde chambre du parlement britannique a posé une question à Lord Collins of Highbury, ministre chargé de l’Afrique sur un “massacre (décapitation) par les Forces Démocratiques Alliées, ADF de 70 chrétiens au sein d’une église dans le village de Kasanga en territoire de Lubero au Nord-Kivu dans la partie orientale de la RDC”.

« J’ai évoqué au parlement britannique le massacre de 70 chrétiens perpétré par un groupe soupçonné d’être affilié à l’État islamique dans une église du Congo, à coups de machettes et de marteaux, et j’ai appelé à davantage d’actions pour mettre fin à la culture de l’impunité et à l’impunité des responsables » écrit le parlementaire, en joignant une vidéo sur son compte X.

Répondant à cette question parlementaire, Lord Collins of Highbury indique qu’il en a discuté avec Olivier Nduhungirehe, ministre rwandais des affaires étrangères. Une situation qui irrite le Rwanda, du fait que les ADF, affiliées à Daesh sont une rébellion islamiste d’origine ougandaise. S’en suit une escalade diplomatique entre les deux pays.

Les vérifications en cours par Congo Check démontrent que “70 chrétiens n’ont jamais été massacrés par décapitation dans l’église locale de la CBCA à Kasanga”. Il s’agit plutôt d’un kidnapping de masse de plus de 70 habitants vers 10 et 14 février 2025 par les rebelles islamistes ADF/ISCAP.

Plusieurs photos utilisées pour illustrer ce prétendu massacre viennent de l’Afrique de l’Ouest dont cette dernière, prise en 2024 au Burkina Faso. Elles montrent des personnes ligotées puis exécutées dans une église où 26 chrétiens étaient tués selon les traces numériques retrouvées par Congo Check.

Par contre, 17 personnes qui célébraient la journée mondiale de la femme (8 mars) ont été tuées, brûlées vives par les ADF en groupement Bulengya aux villages Kasiyiro et Ngohi à 15Km de Buyinga [même région que Kasanga]. Images choquantes obtenues durant cette étude.

Non connectée à internet et enclavé, le village de Kasanga n’était pas doté des forces de défense et sécurité, qui s’y sont déployées depuis le tollé international sur cet événement. Il est situé à l’Ouest de Musienne (axe Butembo-Goma). Un autre carnage survenu en juin dernier dans le carré minier de Angola, dans la même région fait état de plus d’au moins 36 morts et 120 personnes portées disparues.

Une information erronée sans sources

Le 13 février 2025, des militants ont arrêté 70 chrétiens en République démocratique du Congo (RDC), les ont emmenés dans une église, puis les ont tous tués explique Open Doors, organisme américain qui est parmi les premières entités à alerter sur ce « massacre ».

« Selon des sources d’Open Doors sur le terrain, les violences ont commencé vers 4 heures du matin le jeudi 13 février 2025, lorsque des militants ont capturé et ligoté une vingtaine de chrétiens dans la communauté de Mayba. Ces militants sont soupçonnés d’appartenir aux Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe rebelle lié à l’État islamique. Des militants ont fait du porte-à-porte en criant : “Sortez, sortez et ne faites pas de bruit” », raconte un ancien d’une autre ville située à environ 40 km de Mayba. « Vingt hommes et femmes chrétiens sont sortis et ils les ont ligotés pour une destination inconnue » lit-on sur le site de cette organisation, qui a indiqué plus tard n’avoir pas eu les preuves de terrain, attestant de ce massacre.

« Mais des rapports ont commencé à apparaître indiquant que le massacre n’avait pas eu lieu. Open Doors a donc envoyé un représentant sur place pour tenter de vérifier ce qui s’était passé et savoir comment prier et soutenir la communauté chrétienne dans cette partie de la RDC. Lorsque notre représentant est arrivé sur place, plusieurs témoins, qui lui ont parlé sous couvert d’anonymat, ont confirmé l’enlèvement. Cependant, en raison de l’insécurité persistante, notre représentant n’a pas pu se rendre à Kasanga et n’a pas pu obtenir d’informations concluantes sur le massacre présumé qui a suivi. »

Malgré cette rétractation d’organisation comme Open Doors, l’information avait déjà été relayée par différentes institutions chrétiennes et publiques internationales. Le parlement britannique a par exemple appelé à des investigations suite à ces informations à la suite d’une motion de 7 parlementaires sur cette question.

« Que cette Chambre note avec tristesse que 70 chrétiens ont été retrouvés décapités dans une église en RDC ; souligne que le 13 février 2025, des militants présumés des Forces démocratiques alliées (ADF) basées dans la région du Nord-Est du pays, un groupe lié à l’État islamique, se sont approchés de maisons à Mayba, dans le territoire de Lubero, d’où sont sortis vingt hommes et femmes chrétiens qui ont été capturés ; note en outre que les ADF ont encerclé le village et capturé 50 autres chrétiens, les ont emmenés dans une église protestante à Kasanga et les ont assassinés ; souligne qu’il s’agit d’un acte de violence odieux contre des civils et que les auteurs doivent être tenus responsables de ces violations généralisées des droits de l’homme ; appelle le gouvernement et ses homologues internationaux à donner la priorité à la protection des civils en RDC où des groupes armés opèrent ; et appelle en outre les croyants à rester en prière pour les communautés vulnérables et ces familles en deuil » écrit le texte signé par Shannon Jim (Democratic Unionist Party) ; Swann Robin (Ulster Unionist Party) ; Campbell Mr Gregory (Democratic Unionist Party) ; Blackman Bob (Conservative) ; Maskell Rachael (Labour) ; George Andrew (Liberal Democrat) ; McDonnell, John (Independant).

Sur terrain, les sources parlent d’enlèvement et non de tuerie dans une église

Pour rétablir les faits, Congo Check s’est entretenu avec des sources locales afin de savoir ce qui s’est réellement passé mi-février dernier. Suite à l’enclavement de la région, cette vérification a pris plus de trois mois.

*Pour la sécurité des sources civiles, Congo Check a pris l’option de rapporter sous anonymat leurs propos, le sujet ayant soulevé une controverse au sein des forces de sécurité dans la région.

Plusieurs sources se sont d’abord contredites sur la localisation de l’incident. Certaines ont indiqué que le meurtre s’est déroulé à Mayiba, d’autres situant le lieu à Kasanga.

Le premier civil interrogé par Congo Check faisait partie de la délégation envoyée sur les lieux présumés du drame par l’administration locale. Composée des autorités locales ; des éléments de la police et de l’armée congolaises mais aussi des différentes souches de la population locale. Cette source indique que la délégation est partie de Buyinga, l’un de centre commercial important de la région. Arrivée à Kasanga, la délégation s’est rendue dans l’église locale de la Communauté Baptiste au Centre de l’Afrique (CBCA) et n’a retrouvé aucune trace de tueries au sein de l’église ou dans les environs de ce lieu sacré. Ce dernier nous a plutôt confirmé le kidnaping de plusieurs habitants de ce village par un groupe des rebelles ADF. Il nous a fait parvenir via la messagerie WhatsApp des photos de quelques corps des habitants de villages Kasiyiro et Ngohi [Lubero] brûlés vifs par les ADF/ISCAP lors de la célébration de la journée mondiale de la femme (8 mars 2025).

Une seconde source civile jointe par Congo Check exerce dans le patronat local. Elle faisait aussi partie de la délégation officielle, qui s’était rendue dans la zone en vue de vérifier l’information sur le massacre de 70 personnes dans l’église. Elle aussi confirme n’avoir pas vu de corps moins encore de traces d’un carnage au sein de l’église.

De sa part, Macaire Sivikunula Mwendivwa, chef de secteur de Bapere (autorité administrative) a déclaré dans un entretien avec Congo Check que cette alerte avait été lancée sans base factuelle. « Après une descente sur terrain des forces de sécurité et de la population locale, il s’est avéré que l’alerte sur ce carnage de 70 chrétiens au sein d’une église de la CBCA de Kasanga était fausse » confirme-t-il. Il indique également que plusieurs atrocités ont été commises dans son entité par les ADF en une année mais rejette les allégations sur un massacre dans une église locale de Kasanga ou de Mayiba.

« 36 corps ont été retrouvés après le carnage que les ADF ont fait dans la région de Angola en début du mois de juin dernier. Ils ont attaqué simultanément plusieurs villagois en ne leur laissant que la rivière Lubero comme voie de sortie. Ce bilan est provisoire car les opérations de ratissage sont en cours dans la région. Elles sont menées par l’armée congolaise et ougandaise mais il est difficile pour ces deux forces de localiser les assaillants qui attaquent par petits groupes mobiles et se fondent dans la forêt dense après les massacres. Le groupe des ADF, auteur de ce massacre a fui les troupes de l’armée congolaise et celles de l’armée ougandaise, qui les a délogés de leur base de la colline Ekenye. Ce groupe dirigé par le nommé Abwakasi (Mahmoud Ahmad) installe souvent ses quartiers généraux sur les sommets de montagnes pour avoir accès à la connexion téléphonique. C’est en quittant cette colline qu’ils ont massacrés les civils. Pour les civils qui se seraient noyés, aucun bilan n’est encore disponible car nous n’avons pas encore réussi à envoyer une équipe sur place, suite aux opérations militaires en cours et la crainte de collision avec ces rebelles en errance. Cela fait une année depuis que les rebelles ADF ont fait leur première incursion dans le secteur de Bapere. Nous avons passé la journée du 12 juin 2025 dans la méditation en mémoires de plusieurs centaines de victimes de ces atrocités depuis maintenant une année. Nous appelons la communauté internationale à se mobiliser contre ce terrorisme oublié ».

Une ancienne photo d’illustration prise en Afrique de l’Ouest faussement associée à cette désinformation

La photo d’illustration mise en avant par les internautes pour dénoncer ces « tueries », essentiellement sur le réseau social Twitter vient du Burkina Faso constatent les recherches menées par Congo Check.

Le 28 août 2024, Azat Al Salim, un compte qui documente les atrocités islamiques a indiqué qu’une attaque islamiste pendant la messe dominicale a fait 26 morts catholiques au Burkina Faso. Ce qui portait à 200 morts et 140 blessés documentés ce week-end-là dans des massacres djihadistes par le même compte. Sur cette publication, la photo visible sur les posts en lien avec le prétendu massacre de Kasanga en RDC est visible. Vous pouvez la visualiser en cliquant ici.

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Fiston MAHAMBA
Fiston MAHAMBA
K. MAHAMBA WA BIONDI, connu sous le nom de plume "Fiston Mahamba Larousse" est diplômé en sciences de l'environnement et développement durable à l'Institut Supérieur de Développement Rural à Beni (RDC). Journaliste basé dans la partie Orientale de la République démocratique du Congo depuis 2012, il s'est forgé dans l'exercice de ce métier après plusieurs formations de journalisme à la Deutsche Welle Akademie, le centre de développement médias de la radiodiffusion publique Allemande. En 2018, il s'inscrit à l'École Supérieure de Journalisme de Lille pour parfaire une licence en journalisme multimédia. Ancien officier de communication au sein des Nations Unies, il a un Master2 en Techniques des Métiers de l'Information à l'Université Nazi Boni (Burkina Faso) en coopération avec l’Université Lumière Lyon2 (France). Il a suivi un cursus de Diplôme Universitaire en Journalisme Web Multimédia à l’Ecole Publique de Journalisme de l’Université de Tours en France avant de poursuivre sa formation en recherche à la Haute Ecole des Sciences de l’Information et de la Communication (CELSA) de la Sorbonne Université à Paris. Son livre "RDC-Ebola: Fixers, ces boucliers non immunisés" est en cours d'édition. Journaliste et chercheur spécialisé sur la région orientale de la République démocratique du Congo et les Grands-Lacs africains, ses études se focalisent sur les ressources naturelles, l’extrémisme violent, la santé, les conflits... Ses domaines de travail journalistique sont orientés vers l'environnement, le développement, l'emploi, les nouvelles technologies, l'agriculture, la politique, la culture,... qu'il couvre en écriture et images.

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