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Une photo d’une école pygmée à Babonde (Haut-Uélé) faussement présentée comme celle d’un enseignant de la première école implantée à Nyunzu en 2024

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Sur les réseaux sociaux de la sphère congolaise en ligne, circule une photo prise dans une brousse, montrant un adulte aux côtés des enfants devant un hangar couvert de feuilles. La légende qui accompagne la photo indique qu’il s’agit d’un enseignant de la première école implantée dans le territoire de Nyunzu, en province de Tanganyika. Sur un ton moqueur, les auteurs de ces publications trouvent un trait de ressemblance entre Christophe Mboso Kodia [ancien président de l’Assemblée Nationale congolaise lors de la législature de 2018] et l’adulte vêtu en culotte et sans babouches (présenté comme enseignant) visible sur la photo, tout en fustigeant la faible implication des autorités congolaises dans la construction d’infrastructures scolaires et surtout dans la prise en charge des enseignants, remettant ainsi en cause l’effectivité du programme gouvernemental consacrant la gratuité de l’enseignement.

Congo Check a vérifié l’authenticité de la photo et atteste qu’elle a été prise en 2017 dans la province du Haut-Uélé. Elle montre une école qui accueille les autochtones pygmées dans la région de Babonde et Gbonzunzu. Durant cette période, le programme sur la gratuité de l’enseignement n’avait pas encore été lancé en République démocratique du Congo.

“L’enseignant de la première année primaire en territoire de Nyunzu. Il a la physionomie de notre ancien président de l’Assemblée National” rappelle l’internaute. De son côté Didier Bitaki, expert en désarmement et droit de la guerre et défense est surpris par la façon dont sont traités les enseignants. Sur un ton ironique, il épingle le manque de considération du gouvernement envers ce secteur, pourtant sensé préparer les cadres d’avenir.

Une désinformation pour dénoncer le mauvais traitement salarial des enseignants

Afin de comprendre les motivations derrière la publication détournée de cette image, Congo Check a fait recours à l’outil Who Posted What. L’historique de la recherche avec les mots-clés démontre que le premier post a été publié le 7 septembre dernier à 10 heures 42 minutes par Keleme Pacifique Amani.

C’est de ce post qu’a suivi la vague allant dans le même sens. Contacté par Congo Check via l’application Messenger afin de savoir d’où tient-il l’information et surtout de l’endroit (Nyunzu) mentionné sur son post, Keleme n’a pas réagi jusqu’à la publication de cet article de vérification.

Les publications et les commentaires qui s’en suivent notent une faible implication des autorités congolaises dans la prise en charge de l’enseignement, secteur clé pour le développement de ce pays. Certains internautes fustigent le fait que la classe politique a un traitement salarial plus de 100% élevé que celui des enseignants alors que ce sont ces derniers qui encadrent la crème des lettrés.

Photo prise par le père Renzo Busana dans le Haut-Uélé et publiée en 2017

Congo Check s’est intéressé à la photo afin de circonscrire le contexte autour de sa présence en ligne. Téléchargée dans l’application mobile Search by Images, la photo apparaît en un lien unique. Il s’agit de la page Blogger du père Renzo Busana, missionnaire italien affecté dans la région de Babonde et Gbonzunzu dans le diocèse de Wamba en province du Haut-Uélé.

Capture d’écran du blog du père Renzo Busana prise ce 8 septembre 2024 par Congo Check

Le prélat partage cette photo sur la page Karibu Babonde e Gbonzunzu dans un blog consacré à son aventure dans cette partie du Congo-Kinshasa.

Un peu de “vacances fraîches” ne fait pas de mal – je suis en Italie – et l’adaptation nécessaire n’a pas été immédiatement facile car les 30 degrés presque constants à Babonde et les températures tendant vers 0 en hiver dans la vallée du Pô font une différence considérable. Le climat rigoureux avec un peu de neige m’a accueilli comme il se doit. Le retour en famille, les visites et les salutations aux membres de la famille, aux confrères, aux amis… se revoir est nécessaire et bon, retrouver les sourires, les histoires, les beaux événements, ainsi que les soucis et les changements faits ou subis écrit le père Renzo.

“Des enfants qui naissent et grandissent parmi de jeunes couples, des garçons du passé, des cheveux qui blanchissent dans les générations qui sont les nôtres. Certains dialogues sont nécessaires, d’autres sont intéressants, des projets, des désillusions mais aussi des conquêtes, on se pose des questions, on s’informe. Entre autres, deux me sont souvent posées, récurrentes mais pas évidentes : « Selon vous, qu’est-ce qui a changé en Italie après ces années ? » et « Qu’est-ce qui a changé en Afrique depuis votre départ ?” enchaîne-t-il illustrant son récit avec plusieurs de ses photos en Italie et de la RDC dont celle en cours d’analyse, en quatrième position.

Le père Renzo de la congrégation dahonienne partage les localisations de missions de Babonde et Gbonzunzu où il mène des activités de développement allant de l’éducation, la santé, les infrastructures d’intérêt public… Vous pouvez vous y rendre en cliquant sur ces liens.

Le père Renzo Busana confirme sa partenité sur la photo

Dans un échange via la messagerie électronique avec Congo Check, le père Renzo Busana reconnaît la photo en cours d’analyse parmi plusieurs clichés qu’il a pris en RDCongo durant ses missions pastorales. Il ne se rappelle pas spécifiquement de la localité dans laquelle il avait photographié cette école, mais écarte clairement une piste de la province du Tanganyika. “Je n’ai jamais eu de rapport avec le Tanganyika” lance-t-il.

Ça peut être dans la cadre de visite d’écoles conventionné catholiques et pastorale pygmées. Pour le village exact où était tiré (ndlr=où la photo était prise) j’ai bésoin du temps pour la recherche, mais c’est une photo à moi sans doute, je m’en souviens.

Père Renzo Busana, qui s’intérroge comment Congo Check a pu repéré la photo.

La rentée scolaire en République démocratique du Congo est marquée par l’épineux débat de la prise en charge des enseignants. Pendant que cette charge reste sur le dos de plusieurs parents depuis les 30 dernières décennies, l’actuel gouvernement tente de reprendre la main, en initiant la gratuité de l’enseignement dans les écoles publiques au niveau de l’éducation primaire. Mais cette initiative se heurte à plusieurs contraintes dans sa mise en place, notamment les infrastructures scolaires et le barème salarial, encore dérisoire. Suite à ce tableau qui n’a pas évolué à la rentrée scolaire 2024, plusieurs syndicats d’enseignement primaire ont boycotté l’ouverture de l’année scolaire, exigeant de meilleures conditions de travail avant toute reprise du chemin de l’école.

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Fiston MAHAMBA
Fiston MAHAMBA
K. MAHAMBA WA BIONDI, connu sous le nom de plume "Fiston Mahamba Larousse" est diplômé en sciences de l'environnement et développement durable à l'Institut Supérieur de Développement Rural à Beni (RDC). Journaliste basé dans la partie Orientale de la République démocratique du Congo depuis 2012, il s'est forgé dans l'exercice de ce métier après plusieurs formations de journalisme à la Deutsche Welle Akademie, le centre de développement médias de la radiodiffusion publique Allemande. En 2018, il s'inscrit à l'École Supérieure de Journalisme de Lille pour parfaire une licence en journalisme multimédia. Ancien officier de communication au sein des Nations Unies, il a un Master2 en Techniques des Métiers de l'Information à l'Université Nazi Boni (Burkina Faso) en coopération avec l’Université Lumière Lyon2 (France). Il a suivi un cursus de Diplôme Universitaire en Journalisme Web Multimédia à l’Ecole Publique de Journalisme de l’Université de Tours en France avant de poursuivre sa formation en recherche à la Haute Ecole des Sciences de l’Information et de la Communication (CELSA) de la Sorbonne Université à Paris. Son livre "RDC-Ebola: Fixers, ces boucliers non immunisés" est en cours d'édition. Journaliste et chercheur spécialisé sur la région orientale de la République démocratique du Congo et les Grands-Lacs africains, ses études se focalisent sur les ressources naturelles, l’extrémisme violent, la santé, les conflits... Ses domaines de travail journalistique sont orientés vers l'environnement, le développement, l'emploi, les nouvelles technologies, l'agriculture, la politique, la culture,... qu'il couvre en écriture et images.

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