La ville de Goma dans la province du Nord-Kivu, en particulier, et la région de Minova dans le Sud-Kivu ont été secoués le 3 octobre dernier par un naufrage spectaculaire survenu à plus ou moins 200 mètres du port de Kituku. Filmé en train de tanguer par des riverains, le navire MV Merdi (Motor Vessel Merveille de Dieu) s’est noyé dans le lac Kivu avec plus de 100 passagers à bord. Depuis, plusieurs informations non sourcées et sans base factuelle écument la toile au niveau du Congo et de ses pays voisins. À titre d’exemple, cette assertion selon laquelle la marine de l’armée rwandaise est intervenue en premier afin de porter secours aux passagers noyés. Congo Check qui a vérifié cette déclaration conclut qu’elle est fausse. Les marins et le navire visibles sur la photo d’illustration de cette désinformation appartiennent à la mission de la Communauté des États d’Afrique Australe (SADC) en RDC.
“La Marine Rwandaise est arrivée pour secourir avant la marine Congolaise”, écrivent ces posts largement partagés et commentés sur plusieurs plateformes en ligne.
Une propagande portée par des partisans du M23 et de comptes pro-Rwanda
Cette manipulation de l’information a eu plus d’écho sur le réseau social X (ex Twitter). Plusieurs comptes qui ont publié ce contenu, ont déjà au moins une fois fait allégeance aux revendications de la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23).
“RDC : L’armée rwandaise entre en action, pour secourir les naufragés d’un bateau congolais qui a chaviré aux côtes du lac Kivu. Les Congolais sont nos frères à vie, notre armée est à leur service, en principe ! Tout est bien qui finit bien”, écrit Gatete Nyiringabo Ruhumuliza, un chercheur et écrivain rwandais. Ce dernier s’est déjà rendu dans les zones sous contrôle du M23 afin de “raconter les faits réels sur la lutte” de cette rébellion, accompagné d’Albert Rudatshimburwa, un autre journaliste basé au Rwanda, qui indique avoir supprimé son tweet désinformant.
#Congo 🇨🇩
— Albert Rudatsimburwa 🇷🇼 (@albcontact) October 4, 2024
Les forces navale venues au secoure des naufragés sur le Lac Kivu étaient du #SAMIRDC et non du Rwanda 🇷🇼 comme posté dans un tweet précédant (effacé). Néanmoins les émotions de solidarités exprimés restent sincères. L’important c’est de garder cette mentalité de… pic.twitter.com/UxEbgYtb7Q
L’armée rwandaise dément l’intervention de sa marine à Goma
Congo Check a parlé avec l’armée rwandaise en vue de savoir si cette dernière a déployé sa marine sur le lac et que cette dernière est intervenue en portant secours au naufrage. La Rwanda Defence Forces (RDF) dément cette affirmation via le général de brigade Ronald Rwivanga, porte-parole de la RDF.
“Non, ceci est faux”, a-t-il mentionné par la messagerie WhatsApp en réaction aux vidéos publiées par les profils Twitter, qui décrivaient l’intervention de la marine rwandaise en légende de vidéos partagées.
Un navire de la SAMIDRC
Dans sa mission de vérification des faits, Congo Check s’est entretenu avec la colonelle Molatelo Motau, cheffe des opérations de la Mission de la Communauté des États d’Afrique Australe en RDC, qui affirme que le navire appartient à cette force.
“Le navire appartient à la SAMIDRC”, confirm-t-elle.
Quelques instants après le naufrage et pendant que les opérations de sauvetage étaient en cours, la Communauté des États d’Afrique Australe avait publié une communication annonçant l’intervention de ses forces déployées en RDC au secours des naufragés.
“Dans le cadre du mandat de la SAMIDRC, la Force maritime de la SAMIDRC continue de coopérer avec les Forces de sécurité de la RDC pour assurer la sécurité et la protection des civils au kac Kivu, au Nord-Kivu à Goma. La Force Maritime de la SAMIDRC a collaboré avec la marine de l’Armée de la RDC. (Marine FARDC) dans l’opération de sauvetage après l’accident de bateau sur le lac Kivu. La participation de la marine du SAMIDRC à l’opération a permis de sauver plusieurs vies”, lit-on dans un tweet de cette organisation sous-régionale, illustrée par des photos du navire au cœur de la désinformation en cours de déconstruction.
Grâce aux outils de géo-localisation, Congo Check a retrouvé le lieu depuis lequel les images ont été tournées.

La tension entre la République démocratique du Congo et le Rwanda a créé depuis quelques années la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays voisins à la suite de la guerre du Mouvement du 23 mars (M23); Kinshasa accusant Kigali d’appuyer ces rebelles. Le Rwanda soutient également que l’armée congolaise s’est appuyée dans son offensive contre le M23 sur les rebelles de Forces démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) fondées par des génocidaires de 1994. Dans cette situation d’enlisement, la Communauté internationale qui craint une confrontation entre les armées officielles de ces deux pays se basant sur les menaces ouvertes (verbales pour le président Félix Tshisekedi et le déploiement de dispositifs sécuritaires importants le long de la frontière par le Rwanda), tente d’appuyer la médiation portée par l’Angola en vue de parvenir à un accord. Dans cette optique, les États-Unis ont obtenu un cessez-le-feu sur la ligne des fronts depuis le 4 octobre dernier, mais des combats sporadiques sont signalés dans les zones en guerre.
Début octobre, les deux chefs d’États congolais et rwandais sont apparus sur la photo de famille lors de l’ouverture du sommet de la Francophonie à Paris, mais le président congolais a boudé les travaux à huis-clos de chefs d’États, en réaction selon l’Agence congolaise de presse (ACP) “à l’absence de la condamnation de l’agression de la RDC par le Rwanda” dans le discours d’ouverture de ce sommet par le président français Emmanuel Macron.