Dans l’après-midi du 9 octobre, l’internaute Jean Maleme a publié dans un groupe Facebook une information annonçant l’entrée des jeunes résistants Wazalendo au poste frontalier de kitagoma, en territoire de Rutshuru. Selon cet internaute, cette entité située à la frontière entre la République démocratique du Congo et l’Ouganda, est passée sous contrôle ds Wazalendo vers 12 h 30 de la même date, après d’intenses combats qui ont poussé le mouvement du 23 mars (M23) à fuir et se réfugier en Ouganda voisin. Plusieurs internautes ont réagi à cette information, sauf qu’elle est fausse.
Congo Check a vérifié en contactant plusieurs sources dans le Rutshuru, qui ont toutes démenti cette information.
« Combat wazalendo-M23 RDF : Samedi le 09/11/2024 vers 12 h 30 les VDP wazalendo signent leur entrée à kitagoma au poste frontalier RDC – Uganda. Dans le territoire de RUTSHURU non loin de la cité de kiwanja et de la base de M23 bunagana, C’est après d’intenses combats. Après un meeting au niveau du bureau de la DGDA, ces jeunes libérateurs et défenseurs de la patrie viennent de se diriger dans les collines environnantes. Les éléments M23 ont fui vers l’Ouganda. Actu 24 tiii boko souffrir. Aimer et partager ».
Sans vérifier au préalable, plusieurs internautes donnent crédit à cette information. Joseph Kalonji écrit « Bravo les gars, notre cause est juste et nous vaincrons cette guerre », Sylvain Kwingonga rajoute « ces jeunes, que Dieu soit avec vous, que bunagana aussi soit libéré par nos vaillants ».
Certains ont douté de cette information. Cas de Théo Mulongo qui réagit « Est-ce vrai ??? Trop de mensonges ici » et Kambere Sivi Sivi renchérit « mensonges de l’UDPS ».
Pour connaître ses sources et ses motivations, Congo Check a tenté de contacter l’auteur de cette publication. Mais ce dernier n’a pas répondu à notre message.
Des témoignages qui balayent cette information
Pour vérifier la véracité de cette information, l’équipe de Congo Check s’est alors lancée dans la recherche. Nous avons contacté la société civile Rutshuru, un journaliste sur place et un responsable du mouvement du 23 mars (M23). Tous ont démenti cette information.
Notre démarche a commencé par la société civile. Son président Jean-Claude Bambaze a tout de suite démenti. « Faux », nous a-t-il répondu.
Nous avons par la suite contacté le journaliste Dieumerci Mumbere qui habite et travaille dans le territoire de Rutshuru. Ce dernier a aussi démenti. « Kitagoma c’est dans le groupement Busanza. La cité est sous contrôle des éléments du M23 » a-t-il répondu à Congo Check.
Lawrence kanyuka, porte-parole politique du M23 que nous avons contacté via sa page X certifiée, a également rejeté cette information. « Ils se font plaisir avec les vieilles photos », nous a-t-il répondu.
Recherches inversées d’images
Cette fausse rumeur sur l’arrivée et le contrôle de Kitagoma par les Wazalendo a été publiée accompagnée d’une photo sur laquelle on voit des hommes armés, entourés d’une foule devant un bâtiment portant cette inscription : « République Démocratique du Congo. DGM ».
Nous avons cherché à identifier cette image, pour la situer par rapport à cette rumeur de l’arrivée des jeunes résistants Wazalendo au poste frontalier de Kitagoma. Pour y arriver, nous avons utilisé l’application en ligne Google Lens, qui nous a donné des éléments prouvant qu’elle est ancienne. Dans cet article publié en décembre 2022, la légende attribuée à cette image précise qu’il s’agit des éléments M23. « Quelques rebelles du M23 avec des civils après la prise de la frontière entre l’Ouganda et la République démocratique du Congo à Busanza-Kitagoma. »
En vérifiant si à cette époque (décembre 2022), le M23 était à kitagoma, nous avons trouvé plusieurs articles de presse publiés un mois avant qui l’affirment. Cas de celui-ci trouvé sur le site de la RFI.
Cette ancienne image n’a aucun lien avec ce qui se passe actuellement dans le Rutshuru.
Un aspect sur les conflits dans la région
La résurgence du mouvement du 23 mars et ses conquêtes dans le Nord-Kivu ont encore exacerbé les relations entre la RDC et certains pays de la région des grands lacs. Dans un récent rapport de Human Rights Watch rendu public en septembre 2024, on peint un tableau sombre de la province du Nord-Kivu, sur le plan sécuritaire et surtout humanitaire, avec des graves violations enregistrées dans les rangs des belligérants.
« Depuis que le M23 a refait surface dans l’est de la RD Congo à la fin de l’année 2021, la présence de forces militaires et de groupes armés dans la région s’est accrue. Le groupe d’experts de l’ONU sur la RD Congo a estimé en juillet 2024 qu’au moins 3 000 soldats rwandais se trouvaient sur le sol congolais et que l’armée ougandaise fournissait, elle aussi, un « soutien actif au M23 », peut-on y lire.
Les Nations Unies, l’Union africaine et les gouvernements préoccupés devraient faire pression sur les parties au conflit, y compris les groupes armés non étatiques, afin qu’elles cessent de violer le droit international humanitaire, qu’elles garantissent la protection des civils et qu’elles soutiennent les sanctions et les poursuites contre les commandants responsables de crimes de guerre, a déclaré Human Rights Watch.