Il y a quelques années les médias internationaux crédibles sont tombés dans le piège de propagation de la désinformation. Ces médias ont en commun partagé des vidéos tournées en République démocratique du Congo et diffusées sur YouTube par les équipes d’Afrimax. La première vidéo devient viral entre février et mars 2022, en présentant un jeune homme se mariant à deux sœurs jumelles dans la ville de Goma. Une autre série diffusée met en avant un homme de 25 ans qui épouse une vielle de 85 ans à Goma pendant que l’autre filmée filmée cette fois-ci dans un village du Sud-Kivu met en scène une femme mariée à deux hommes et avec lesquels elle vit dans une même maison. Toutes ces vidéos et leur contenu sensible ont été prises en compte par Congo Check, qui a révélé le caractère faux de leur contexte de diffusion.
C’est quoi Afrimax ?
Se confiant en Anglais et en Swahili à Congo Check, Nameless Campos, un citoyen rwandais et l’un de fondateur de la plateforme Afrimax a révélé que cette compagnie multimédia travaille avec des créateurs de contenus freelance depuis la RDCongo, la Tanzanie, Kenya, Ouganda, Inde.
“Nous investissons trop de moyens pour que ces collaborateurs pigistes trouvent dans leur région du contenu authentique, réel et unique afin de booster l’émergence de notre plateforme et ses réseaux sociaux. Nous avons engagé un collaborateur freelance dans la ville de Goma en RDC et grâce à lui, nous avions produit et diffusé plusieurs vidéos” raconte-t-il.
Nameless Campos assure que sa compagnie n’est pas un label cinématographique et que sur les différents contrats signés avec ses collaborateurs, la compagnie insiste pour que du pitch jusqu’à la vidéo finale, seuls les faits doivent être mis en avant. Nameless Campos précise que Afrimax est enregistré sous le statut de médias à Kigali au Rwanda et aux États-Unis d’Amérique et y possède des bureaux.
Se référant à une vidéo postée sur son compte Facebook et identifiée comme fausse par Congo Check, ce responsable de médias se dit que toute leur équipe était surpris par cet étiquetage de leur contenu en tant que faux. “Notre page Facebook a été demonetisée, pendant que la publicité est l’un de nos business modèles” indiquant que c’est cela qui fut le déclenchement d’une enquête interne sur la réalité de récits leur rapportés par les freelancers. Il déploré le fait de n’avoir jamais été contacté par Congo Check avant la publication des articles débusquant les vidéos précitées.
Congo Check précise qu’en parlant à Campos, il avait déjà initié plusieurs contacts avec cette compagnie et la rencontre avec l’un des pigistes de cette dernière, c’était soldée par une proposition de ce dernier au monnayage des contenus de vérification de Congo Check à la place de l’étiquetage en tant que faux de vidéos d’Afrimax. Une proposition refusée par Congo Check, qui avait expliqué à cet interlocuteur que sa missions était de l’aider à assainir les contenus faux, notamment avec les mises à jour des contenus jugées inauthentques. On vous expliquera, comment plusieurs mois après cet échange, les mêmes équipes ont continué à payer des personnes pour prétextant produire des vidéos destinées à la cinématographie, mais qui seront diffusées en tant que tirées d’une histoire réelle vécue.
— Fiston Mahamba, Editeur en Fact-Checking
Afrimax est aujourd’hui suivi par plus de 3 millions de personnes sur YouTube et réalise plusieurs centaines de millions de vues.
Repérées en ville, les équipes d’Afrimax s’exilent en zones reculées
Après avoir débusqué entre 3 et 4 vidéos diffusées par Afrimax et filmées en ville de Goma en rencontrant les acteurs, qui niaient le caractère réel des contenus publiés, Congo Check a constaté que les équipes ayant tourné ces vidéos à Goma se sont déplacées dans la province du Sud-Kivu. Dans cette province, ces équipes ont tourné une vidéo affirmant qu’une femme est mariée à deux hommes et vit dans la même maison avec ces derniers.
En se rendant dans le village de Tshituzo, dans le groupement de Mudaka, dans le territoire de Kabare au Sud-Kivu, Congo Check a rencontré les personnes présentées dans la vidéo et qui ont expliqué avoir été berné par l’équipe de réalisatrice, qui affirmait être en tournage d’un film et a négocié leur participation pour un cachet de 3 mille dollars américains.
3000 dollars américains promis à l’actrice principale pour son témoignage
Appuyé par l’actrice principale de la vidéo, Biringane Chisuki Pierre témoigne que l’équipe d’Afrimax avait donné un récit scénarisé à la femme au cœur de la vidéo. “Il lui avait demandé de répéter ce récit et d’affirmer que les autres acteurs sur la vidéo sont ses époux et qu’ils vivent tous sous le même toit. En contrepartie, une somme de 3000 dollars américains avait été promise, mais qui n’a jamais été envoyée”.
Biringane Chisuki Pierre déplore le risque auquel cette femme a été exposée lorsque la vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux. “Outre l’exposition à une vindicte publique pour un manquement grave aux us et coutumes de la région, la femme a actuellement peu de chance de trouver un conjoint” prévient-il.
Gisèle Mushobe-l’actrice principale déclare avoir été abusée par les auteurs de la vidéo
“Ils sont arrivés et m’ont convaincu de donner le témoignage qu’il m’ont dicté. En voyant la promesse de recevoir 3000 dollars, je n’ai pas hésité à participer au tournage de la vidéo. Je n’ai pas deux époux et le témoignage que vous voyez dans la vidéo n’est pas réel. Ils m’ont promis la construction de ma maisonnette, mais ils n’ont rien réalisé. Je demande aux autorités de m’aider à recouvrer mon droit” témoigne-t-elle avec son deuxième bébé porté sur la poitrine.
Un tournage fait sous couvert d’un visage cinématographique et humanitaire
Passy Mushobe (grande sœur de Gisèle), Biringane Chisuki Pierre, Albert et Gisèle Mushobe témoignent que les auteurs de la vidéo sont arrivés dans leur village accompagnés par des autochtones, qui leur avaient expliqué que la vidéo à réaliser se plaçait dans le cadre du cinéma. Ils ont réunis les acteurs et ont expliqué à chacun son rôle. “La maison dans laquelle la vidéo a été filmée est le toit familial de parents de Gisèle. Les deux garçons, présentés comme ses époux sont encore célibataires. D’ailleurs, les habits que les deux sommes se sont échangés durant le tournage appartiennent à Jonas [petit frère à Gisèle] qui étaient au cours le jour du filmage” témoignent nos sources. Toutes les personnes contactées indiquent que la vidéo a été filmée publiquement et a attiré l’engouement dans le village, peu habitué à voir les équipes cinématographiques dans la région. Tous restent unanimes quant au caractère de la vidéo: “Ils avaient demandé aux acteurs de raconter l’histoire diffusée, qui n’est pas une réalité. Comme il y avait une assistance humanitaire qui devrait suivre la participation de ces membres du village au tournage, personne n’a hésité à bien mener son rôle”.
Une technique adoptée et toujours d’actualité chez Afrimax
Malgré les multiples échanges et conseils donnés à Afrimax par Congo Check sur comment banir la diffusion des contenus erronés sur ses plateformes, il se remarque la poursuite de la diffusion de contenus aux mêmes caractéristiques que ceux dénoncés dans les factchecks précédents. Les investigations sont en cours par les équipes de Congo Check pour localiser les lieux de tournage et les acteurs visibles sur ces vidéos pour amorcer un travail de vérification.
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